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Son discours se fait plus virulent chaque jour : à une semaine d'élections européennes jugées "historiques", Viktor Orban use d'une rhétorique "guerrière", plongeant la Hongrie dans une ambiance anxiogène.
Le Premier ministre nationaliste a rassemblé samedi à Budapest, la capitale, des dizaines de milliers de ses partisans pour une "marche de la paix".
Cet événement, régulièrement organisé depuis son retour au pouvoir en 2010, prend une résonance particulière face à l'invasion russe de l'Ukraine.
M. Orban se présente comme "le seul à lutter pour la paix" et à s'opposer aux visées belliqueuses de l'Union européenne (UE), en faisant l'enjeu du scrutin du 9 juin.
"Nous avons la plus grande armée électorale (...), nous sommes la plus grande force de maintien de la paix d'Europe", a-t-il lancé devant une foule agitant des drapeaux hongrois, en prédisant "une large victoire" à son camp.
Sur les rives du Danube, une immense banderole avait été déployée, disant "Non à la guerre".
- "Tabou brisé" -
Resté proche du Kremlin, le dirigeant de 61 ans refuse d'envoyer des armes à son voisin ukrainien et bloque actuellement l'aide militaire européenne, en répétant que Kiev "ne peut gagner" face à Moscou et doit accepter un cessez-le-feu immédiat.
Revisitant l'histoire, il a accusé vendredi ses alliés occidentaux de vouloir entraîner son pays dans un conflit armé, comme il l'avait été pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est allé jusqu'à dresser une comparaison avec les pressions exercées par Adolf Hitler sur la Hongrie à l'époque.
Viktor Orban a aussi brandi le spectre d'un retour du service militaire obligatoire dans l'UE, en réponse à de prétendus projets "allemands et européens", alors même que Bruxelles n'a jamais émis une telle idée et n'en a pas les pouvoirs.
"C'est inacceptable ! Qui d'autre que nous peut décider de verser le sang des Hongrois?", s'est-il insurgé.
Même escalade concernant l'Otan. S'il y a déjà eu des désaccords par le passé, jamais le Premier ministre ne s'était livré à de telles diatribes contre une alliance atlantique qui "au lieu de nous protéger, nous entraîne dans une conflagration mondiale".
Au point qu'il souhaite "redéfinir la position" de la Hongrie pour empêcher "toute participation à des opérations en dehors du territoire de l'Otan". "Nos avocats travaillent sur le sujet", a-t-il précisé.
"Jusqu'à présent, Viktor Orban avait toujours considéré l'alliance comme une pierre angulaire de la sécurité nationale", souligne l'analyste politique Zsuzsanna Vegh, du German Marshall Fund. Mais ses nouvelles remarques ont "brisé un tabou" et propulsé "la rhétorique guerrière dans une nouvelle dimension".
- "Juste à côté" -
A domicile, cette stratégie semble fonctionner selon les sondages, sur fond d'omniprésence du message "anti-guerre", des affiches sur la voie publique aux réseaux sociaux.
"Je suis convaincue que le Premier ministre a raison. C'est facile pour l'Europe de l'ouest, ils sont à 1.500 kilomètres de la frontière ukrainienne, mais nous, on est juste à côté", témoigne Margit Kovacsne, enseignante retraitée de 67 ans, venue apporter son soutien au chef du parti Fidesz. "Si le flot d'armes se poursuit, je crains le pire. Je ne veux même pas y penser".
Pour Viktor Orban, ce rassemblement a été l'occasion d'une "démonstration de force", en réponse à la colère qui a agité ces derniers mois le pays d'Europe centrale, explique Zoltan Ranschburg, du centre de réflexion Republikon.
Après le scandale provoqué par la grâce présidentielle accordée dans une affaire de pédocriminalité, des manifestations massives ont eu lieu et un nouveau rival a émergé en la personne de Peter Magyar, un connaisseur des arcanes devenu un pourfendeur du système.
Mais samedi, le Premier ministre hongrois s'est voulu confiant sur l'avenir des forces souverainistes. "Dans une semaine, nous recevrons des renforts de chaque pays d'Europe" et, "à l'automne", avec l'élection de Donald Trump à la présidentielle américaine, "nous serons majoritaires", prêts à "former une coalition transatlantique de la paix".