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De la mine aux batteries, une filière du lithium prend forme en Allemagne

La ville de Bitterfeld-Wolfen, jadis synonyme de désastre écologique, est en passe de devenir un site clé de l'ambitieuse transition verte de l'Allemagne.

C'est là qu'est installée la première raffinerie de lithium à grande échelle du pays, appelée à jouer un rôle central dans les plans européens visant à extraire et raffiner sur le continent les matières premières nécessaires à l'alimentation des véhicules électriques.

Le lithium, poudre blanche que l'usine commencera à produire à partir du mois de mai, fait partie des métaux nécessaires à la fabrication des batteries électriques pour lesquels l'Europe souhaite réduire sa dépendance aux importations.

L'essor de la demande de batteries était "prévisible", explique Stefan Scherer, patron d'AMG Lithium, dont l'entreprise a "surfé sur la vague" et lancé ce projet d'usine il y a plus de quatre ans.

Le site de Bitterfeld-Wolfen, dans l'est de l'Allemagne, à quelque 140 kilomètres de Berlin, a été choisi pour accueillir le site en raison de sa "proximité avec les clients", les acteurs de la puissante filière automobile allemande, ajoute M. Scherer.

L'Europe voit sa dépendance aux importations de métaux rares comme un handicap croissant dans un contexte de tensions géopolitiques, notamment avec la Chine.

- Potentiel de production -

Sans être le plus grand producteur de lithium brut, la Chine dispose de la majorité de la capacité de traitement mondiale, ainsi que d'une grande partie de la production de batteries.

L'Union européenne a présenté l'an dernier des propositions pour sécuriser les approvisionnements, augmenter l'extraction et le traitement des matières premières critiques indispensables à l'industrie européenne, du lithium au cobalt en passant par le nickel des batteries automobiles

"Nous discutons déjà avec des responsables politiques des ressources financières nécessaires à notre expansion future", affirme M. Scherer.

Cette ruée vers l'or blanc, comme est souvent qualifié le lithium, pourrait bouleverser le destin de Bitterfeld-Wolfen, localité de moins de 40.000 habitants, ancien bastion sinistré de l'industrie chimique est-allemande et longtemps une des villes les plus polluées d'Allemagne.

Selon son patron, le premier module de l'usine AMG pourra produire 20.000 tonnes d'hydroxyde de lithium par an, ce qui suffit à fabriquer environ un demi-million de batteries de voiture.

D'autres pans pourront être ajoutés ultérieurement pour atteindre les 100.000 tonnes de capacité, soit "jusqu'à 20%" de la demande en Europe, avance-t-il. Le lithium à raffiner sera dans un premier temps importé du Brésil.

L'objectif de l'UE est de pouvoir assurer 40% du raffinage des matériaux jugés critiques sur son territoire. Du Portugal au centre de la France, les nouveaux projets miniers et industriels pour extraire et transformer le lithium se multiplient en Europe.

Pour l'industrie allemande, et en particulier les constructeurs automobiles, le fait de relocaliser la production de lithium "augmente leur résilience en cas de tension dans la chaîne d'approvisionnement internationale", selon Yoann Gimbert, spécialiste de l'e-mobilité au sein du groupe de réflexion Transport and Environment.

- Projet de mine -

Dans une ancienne région minière de l'est de l'Allemagne, à Zinnwald, commune située près de la frontière tchèque, un projet soutenu par AMG vise à compléter la chaîne en exploitant un gisement de lithium jugé prometteur.

S'approvisionner localement en grandes quantités de lithium s'avérera difficile, comme en témoigne l'objectif modeste de 10% fixé par l'UE en matière d'extraction.

Mais des projets comme celui de Zinnwald pourraient constituer un "rouage essentiel", affirme à l'AFP Anton du Plessis, PDG de Zinnwald Lithium.

Pour donner aux industries vertes un ancrage local, l'UE "doit s'assurer qu'elle dispose de l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement", y compris l'extraction, affirme M. du Plessis, qui espère que la mine de Zinnwald fonctionnera à plein régime d'ici la fin de la décennie.

Si l'extraction ne constitue qu'une solution partielle, les nouvelles capacités de traitement prévues en Europe pourraient "couvrir entièrement la demande", estime Cornelius Baehr, analyste chez IW Consult.

Mais la réalisation des projets en cours reste incertaine selon lui, et les délais de mise en place de nouveaux sites de production - entre cinq et dix ans - signifient que l'objectif de l'UE pour 2030 "ne sera pas facile à atteindre".

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