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Au nom de l'urgence climatique, l'activiste Lina Eichler a de nombreuses fois collé ses mains sur le bitume des routes allemandes, afin d'y bloquer la circulation.
Désormais, son pot orange de glu artisanale lui sert aussi à accrocher des affiches électorales sur les murs de Berlin, pour le mouvement écologiste de désobéissance civile Letzte Generation.
L'organisation, qui depuis deux ans a défrayé la chronique avec ses actions controversées - jets de soupe sur des tableaux, occupation d'aéroports grèves de la faim ... - a décidé de concourir aux élections européennes du 9 juin.
Une candidature militante pour "occuper le terrain, et faire parler de la catastrophe climatique qui s'annonce", explique à l'AFP Lina Eichler, 21 ans, en collant une affiche rouge, représentant une flamme au dessous du mot "ALARME".
- Eléphant dans le pièce -
Aux yeux du mouvement, les questions environnementales ont été éclipsées de la campagne, y compris en Allemagne où les écologistes sont membres de la coalition tripartite d'Olaf Scholz.
"Les gens ont l'impression qu'avec les Verts au gouvernement, la situation s'améliore, mais c'est faux, ils ne font rien", assène Lina Eichler.
Les Verts allemands, parmi les plus influents en Europe, sont crédités de 15% des suffrages, contre 20,5% des voix obtenues lors du scrutin européen de 2019. Leurs intentions de vote étaient tombées à seulement 12% en avril, le niveau le plus bas depuis 2018.
Une chute de popularité commune à la plupart des formations écologistes européennes dans une campagne électorale où les enjeux climatiques sont devenus terrain miné, sur fond de colère agricole et de "Pacte vert" accusé de tous les maux.
"Il y a un éléphant dans la pièce, dont on ne parle pas, c'est la crise climatique. Nous sommes là pour qu'il soit exposé au grand jour", explique Carla Hinrichs, 27 ans, cofondatrice de Letzte Generation et candidate sur la liste activiste.
Les militants reprochent notamment aux Verts allemands d'avoir accepté la réouverture provisoire de centrales à charbon et l'importation massive de gaz liquéfié, décidées pour pallier la fin des livraisons de gaz russe, suite à l'invasion de l'Ukraine.
"Les Verts sont critiqués à droite parce que leurs mesures menaceraient l'économie, et à gauche car ils auraient renoncé à leurs objectifs climatiques", explique à l'AFP Marie Krpata, experte de la politique allemande à l'Ifri.
Et ce, "malgré des succès indéniables, sur le développement des renouvelables et la baisse des émissions de CO2", ajoute-t-elle.
- Secouer le Parlement -
Si aucun sondage n'a estimé le potentiel de Letzte Generation, le mouvement vise "au moins 200.000 voix", lui permettant de récupérer au minimum un siège à Strasbourg.
Quitte à disperser les voix des électeurs écologistes ?
"Ce n'est pas notre problème. Les Verts jettent progressivement leurs valeurs par-dessus bord, ils s'engagent dans des compromis qui sont insoutenables", tranche Carla Hinrichs.
Même colère du côté de la branche allemande de "Fridays for Future", le mouvement de Greta Thunberg, qui craint que les élections n'aboutissent à "un virage à droite anti-écologique".
L'organisation a appelé à des manifestations le 31 mai dans plus de 90 villes du pays, à une semaine des élections. Elle a lancé une offensive de communication sur Tiktok pour "reprendre du terrain" face à l'extrême droite, très présente sur ce réseau.
A Berlin, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées, en musique, devant la Porte de Brandebourg, après avoir défilé dans les avenues alentours.
"Les Verts ne sont pas aussi radicaux qu'il le faudrait", déclare à l'AFP Jonathan Rössler, un manifestant de 27 ans. Il votera plutôt pour le parti d'extrême gauche Die Linke et sa tête de liste, l'humanitaire et militante écologiste Carola Rackete.
Pour sa campagne, Letzte Generation organise de son côté des "rassemblements désobéissants" : comprendre des blocages de rues, de ponts, de places.
Si ils sont élus, les militants promettent "une action" de protestation par mois au sein de l'Hémicycle de Strasbourg pour rappeler l'urgence climatique.
Pas question, en revanche, de travailler à des textes législatifs, ou de rejoindre un groupe : "On ne veut pas participer, mais plutôt secouer le Parlement, y apporter notre contestation", explique Carla Hinrichs.