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Dans les ports bretons, le vote RN séduit les pêcheurs

"Les marins en ont ras-le-bol!" Sur les quais du Guilvinec (Finistère), comme dans beaucoup de ports bretons, le Rassemblement national (RN) séduit de plus en plus de pêcheurs, inquiets pour l'avenir d'une profession qui navigue de crise en crise.

"Quel parti veut sauver la pêche française? Si le RN a un plan qui nous plaît... alors pourquoi pas?", lance Sébastien Le Prince, 46 ans, patron du chalutier Le Magellan et vice-président du comité départemental des pêches du Finistère.

Le pêcheur n'a pas encore fait son choix, mais il exclut déjà de voter pour la députée sortante, Liliana Tanguy (Renaissance), car "on ne la voit jamais", lâche-t-il, aux commandes de son navire amarré au Guilvinec.

Dans cette petite ville du pays bigouden, troisième port de pêche français avant le plan de casse des navires post-Brexit, la liste de Jordan Bardella (RN) est arrivée largement en tête aux élections européennes, avec 29,71% des voix.

"Le gouvernement paye le Brexit et son désintérêt pour la pêche. On a été abandonné en rase campagne", peste le maire Jean-Luc Tanneau. "La crise de la pêche a un effet sur les votes au Guilvinec. Parce qu'ici, il n'y a pas d'insécurité, ni d'immigration", ajoute l'élu.

- "peur des écolos"-

Pêcheur de langoustines de 35 ans, Cyril ne veut pas dévoiler son vote, mais il dit avoir "un peu peur des écolos" qui veulent, selon lui, interdire le chalut et multiplier les éoliennes en mer. "Faut pas réélire les mêmes, faut qu'il y ait un peu de changement. C'est pas que la pêche, c'est une France à refaire", avance-t-il.

Inflation réglementaire, hausse des coûts, aires marines protégées, fermeture de la pêche dans le golfe de Gascogne pour protéger les dauphins, baisse des quotas, prix du gazole... Les marins pêcheurs ne manquent pas de sujets de mécontentement, qui sont souvent autant de raisons de voter RN.

"On éteint l'incendie tous les jours. Il n'y a plus de vision à moyen terme", regrette Philippe Perrot, ligneur et vice-président du comité départemental des pêches, qui estime que le RN "utilise la pêche pour percer en Bretagne", terre de tradition centriste.

- "majoritaire dans la pêche artisanale"-

"La profession a radicalement changé politiquement", confirme David Le Quintrec, patron pêcheur lorientais. "Beaucoup avaient voté Macron pour son premier mandat et votent aujourd'hui pour le RN."

Le parti de Marine Le Pen "est majoritaire dans la pêche artisanale, c'est sûr et certain", affirme le pêcheur, fondateur de l’Union française des pêcheurs artisans (UFPA), qui a accueilli Jordan Bardella sur son bateau en janvier mais se défend de faire de la politique: "Je parle à tous ceux qui sont prêts à nous aider!"

D'Audierne à Lorient, en passant par Penmarc'h et Concarneau, le RN est arrivé en tête dans la plupart des ports de la côte sud de la Bretagne, où la pêche fait vivre de nombreuses familles à terre comme en mer.

"Il y a un sentiment d'anxiété", explique Thomas Le Gall, ligneur d'Audierne, président de l'association Pêche Avenir Cap Sizun, qui s'inquiète des prochaines fermetures de la pêche dans le golfe de Gascogne pour réduire les captures accidentelles de dauphins.

"Mais il y a aussi eu pas mal d'abstention chez les pêcheurs", pointe-t-il. "Un effet de lassitude par rapport au pouvoir en place."

S'abstenir, c'est d'ailleurs ce que s'apprête à faire Mickaël Roget, jeune capitaine du chalutier Bara Breizh. Samedi, il part quinze jours pêcher la lotte au large de l'Irlande et ne reviendra pas à temps pour voter au premier tour des élections législatives.

Mais "on attend plus grand chose dans notre milieu", avoue le pêcheur de 29 ans, qui compte déjà 12 ans de métier.

Même le RN, "ça ne changera rien du tout, à mon avis. C'est pas eux qui vont nous sauver", estime-t-il.

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