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Dans une villa patricienne de Beyrouth, des lampadaires futuristes en forme de champignons côtoient des miroirs sculptés inspirés de la tradition: malgré l'effondrement économique au Liban, le design renaît comme l'a montré une foire qui s'est achevée dimanche.
Pendant quatre jours, des lieux emblématiques de la capitale libanaise, dont certains encore meurtris par l'explosion du port en 2020, ont accueilli plus de 150 créateurs.
We Design Beirut a voulu "montrer la diversité dans la création du design au Liban malgré les circonstances difficiles que traverse le pays", dit à l'AFP Mariana Wehbé, une communicante qui a lancé l'initiative avec Samer Amine, un designer industriel.
La foire, un rendez-vous annuel depuis 2010, s'est interrompue en 2019 avec le début de l'effondrement économique dans le pays, où un Libanais sur trois vit désormais dans la pauvreté selon la Banque mondiale.
La manifestation était prévue en octobre dernier, mais a dû être repoussée en raison de la guerre dans la bande de Gaza qui s'est étendue au Liban, où des violences quotidiennes opposent le mouvement islamiste libanais Hezbollah à l'armée israélienne dans le sud.
Une villa du XIXe siècle, qui abrite un musée privé de mosaïques anciennes, expose les créations mobilières, des tables en marbre ou en ciment côtoient des chaises aux formes audacieuses.
"Nous tentons de refaire de Beyrouth un centre pour le design et la création", souligne William Wehbé, l'un des commissaires de l'exposition.
"Une partie des créateurs a quitté le Liban (...) d'autres villes arabes les ayant attirés en leur offrant plus de débouchés", déplore-t-il.
- Bâtiment détruit -
Il souligne que beaucoup d'entre eux sont partis après la destruction de leurs ateliers ou parce qu'ils ne trouvent plus de matières premières.
Zein Daouk, qui expose des lampadaires en forme de champignons oniriques multicolores, explique avoir décidé de se consacrer à la céramique "après la destruction de mon cabinet d'architecture dans l'explosion au port".
Le 4 août 2020, l'une des plus grandes explosions non nucléaires de l'histoire a dévasté des quartiers entiers de la capitale, tuant plus de 220 personnes et en blessant plus de 6.500.
La foire a attiré des architectes, collectionneurs et des représentants de foires internationales, un public qui n'était plus revenu à Beyrouth au cours des dernières années.
Un ancien atelier de production de luminaires face au port, détruit lui aussi par l'explosion et resté tel quel, abrite des sculptures modernes et le travail des artisans.
Beaucoup d'entre eux "ont perdu leur travail au cours des dernières années, car nombre de designers qui travaillaient avec eux ont quitté le pays", dit Mariana Wehbé.
"Certains de ses métiers risquent l'extinction, en raison de l'âge des artisans", ajoute-t-elle.
Fatima Tartousi, 47 ans, qui martèle une phrase en calligraphie arabe sur un vase en cuivre, explique qu'elle a appris le métier de son père. Cette femme venue de Tripoli, la grande ville du nord du pays connue pour ses artisans, dit avoir quitté l'école à neuf ans pour se consacrer au métier.
"Aucun de mes enfants ne veut reprendre le flambeau", déplore-t-elle.
Dima Stephan, 34 ans, une décoratrice d'intérieur, affirme avoir appris d'un artisan le tissage du rotin, un métier traditionnellement réservé aux hommes. Mais elle ajoute une touche moderne à ces chaises qu'on trouvait dans chaque maison libanaise.
La foire accorde une grande place à l'environnement, beaucoup d'oeuvres ayant été produites à partir de matériaux recyclés.
Dans une usine textile désaffectée du quartier arménien, des étudiants d'universités ont notamment exposé une installation géante faite de plastique recyclé en forme d'éruption volcanique, "Magma plastique".
"Nous avons voulu encourager les étudiants pour qu'ils ne quittent pas le pays", qui connaît une émigration massive, notamment des jeunes, dit Mariana Wehbé.