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Argentine: la manne de la première récolte de l'ère Milei se fait attendre

Après une récolte 2023-2024 morose, marquée par la "sécheresse du siècle", l'Argentine mise sur un cycle 2024-2025 salvateur. Mais la manne de la première récolte de l'ère Milei se fait attendre, sur fond d'austérité et de récession.

Dans les immenses champs de Lobos, de la fertile "pampa humide" à 110 km à l'ouest de Buenos Aires, la moissonneuse-égréneuse avale les lignes droites, et les plants aux épis dodus : la récolte de maïs touche à sa fin, les silos débordent et les projections décollent.

Malgré des attaques de la redoutée "chicharrita" (cicadelle), insecte vecteur de virus, la prochaine moisson de maïs - dont l'Argentine est 3e exportateur mondial - devrait avoisiner 47,5 millions de tonnes, un bond de 32% par rapport à la récolte précédente, selon la Bourse des céréales de Rosario (BCR), qui fait référence.

Le soja, culture reine dont le pays est premier exportateur (sous forme de farine et huile), devrait connaître "une production de plus 50 millions de tonnes, contre 20 millions en 2023-24", d'après des données BCR encore provisoires.

Quant au blé, d'après les surfaces ensemencées et sauf catastrophe météorologique, la récolte 2024 "a le potentiel d'être la deuxième récolte plus importante de l'histoire", à 21 millions de tonnes, soit 40% de plus que la campagne précédente, selon Cristian Russo, prévisionniste à la BCR.

Pourtant dans les champs, les agriculteurs stockent les longs "sacs-silos", attendant avant d'écouler leur production. "Les silos sont pleins, mais on vend juste de quoi couvrir les frais. Celui qui peut attendre, attend", explique à l'AFP Ricardo Semino, céréalier à Lobos.

De fait, si la production agricole totale pour 2024, avec 131 millions de tonnes estimées, "représente une hausse de 60% sur un an, la valeur des exportations, elle, n'a augmenté que de moins de la moitié, de 23%", constate la Bourse de Rosario.

- Baisse espérée des taxes à l'exportation -

C'est que le "campo", qui dans sa majorité avait appuyé la candidature du président ultralibéral Javier Milei, joue la montre pour écouler sa production, dans l'attente de meilleurs prix internationaux, d'un taux de change favorable, ou de la levée des taxes à l'exportation.

Ces dernières sont une variable d'ajustement classique pour les gouvernements, alors que l'agro-alimentaire représente 55% des exportations de la 3e économie d'Amérique latine.

Javier Milei a assuré à plusieurs reprises, et encore début juin, son intention de baisser les taxes à l'exportation pour les produits agricoles. Mais "quand l'économie aura commencé à récupérer", et "quand l'excédent budgétaire commencera a être important".

Pas dans l'immédiat, donc, puisque l'économie argentine a affiché une contraction de 5,3% au premier trimestre. Le taux de change unifié que demande le monde agricole devrait aussi attendre: l'Argentine en possède un demi-douzaine, dont un taux "hybride" pour les exportateurs, préférentiel par rapport à l'officiel (920 pour un dollar). Mais loin encore du taux "informel" (1.300 pesos pour un dollar) que les producteurs payent le plus souvent pour leurs intrants.

L'inflation, en décélération depuis cinq mois, mais tout de même à 276% sur douze mois n'aide pas. Le céréalier Ricardo Semino a vu par exemple "le prix d'un tracteur passer de 170.000 à 250.000 dollars".

Même si "l'AgroBaromètre" de l'Université Australe de Buenos Aires a mesuré chez les producteurs un degré de confiance sans précédent depuis 2019, le monde agricole préfère pour l'instant s'asseoir sur ses stocks "et spéculer sur le meilleur moment pour livrer".

"Les silos sont tellement grands de nos jours qu'ils te donnent la possibilité de vendre à échéance cinq, six, sept mois, voire un an", observe Ricardo Semino.

Ainsi, l'Argentine mérite plus que jamais sa réputation de "grenier" agricole, avec selon la BCR quelque 35,6 millions de tonnes de grains et céréales en attente, soit l'équivalent de 10,6 milliards de dollars. Des rentrées pourtant vitales pour une économie à court de réserves et en récession.

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