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Les neuf mois de grossesse provoquent des transformations profondes et durables dans le cerveau des femmes, notamment sous l'effet des hormones sexuelles. Une nouvelle étude dévoile que ces modifications persistent bien au-delà de l'accouchement
Pendant longtemps, les impacts de la grossesse sur le cerveau des femmes sont restés un mystère. Mais une étude publiée dans "Nature Neuroscience" a changé la donne en offrant des résultats inédits.
Des chercheurs ont observé les modifications cérébrales d'une femme durant ses 26 IRM réalisées avant, pendant et après sa grossesse, mettant en lumière un remodelage cérébral significatif.
Des hormones au cœur des transformations
Les hormones sexuelles, comme l'œstrogène et la testostérone, jouent un rôle crucial dans la régulation des fonctions cérébrales telles que l'humeur ou la mémoire. Durant la grossesse, ces hormones subissent d'importantes fluctuations qui impactent directement le cerveau.
Jacobs et son équipe, initiateurs du projet "28andMe", se sont intéressés aux changements cérébraux lors des cycles menstruels. Ils ont élargi leur étude à la grossesse grâce à Liz Chrastil, neuroscientifique à l’université de Californie, qui a accepté de participer à l'expérience en passant plusieurs IRM pendant sa propre grossesse.
Cette étude a permis de suivre en détail l'évolution du cerveau au fil des mois.
Perte de matière grise : une adaptation positive
La grossesse entraîne une diminution de la matière grise, la couche externe du cerveau impliquée dans la cognition et l'apprentissage. Cette observation pourrait paraître inquiétante, mais la diminution de matière grise est en réalité une forme d'adaptation.
Ce processus est comparable à celui de l'adolescence, autre période de bouleversements hormonaux. Ces changements, loin d’être un signe de déclin, viseraient à rendre le cerveau plus efficace en affinant le traitement neuronal.
Les chercheurs ont constaté que la perte de matière grise, qui débute dès les premières semaines de grossesse, se stabilise à l’accouchement et persiste des années après. Ce remodelage est lié à l'augmentation des hormones œstradiol et progestérone, et concerne plus de 80 % des régions cérébrales.
La portée de ces modifications, ainsi que leurs effets à long terme, restent encore à éclaircir.
Un renforcement temporaire de la matière blanche
Outre la matière grise, la grossesse affecte également la matière blanche du cerveau, constituée des fibres nerveuses qui facilitent la communication entre les neurones. Les chercheurs ont observé un renforcement de cette matière au cours du deuxième trimestre, avant qu’elle ne retrouve son état initial après la naissance.
Chez les adolescents, des changements similaires ont été associés à une amélioration des capacités cognitives, mais les implications pour les mères sont encore floues.
Des recherches essentielles pour la santé des femmes
Cette étude n’est qu’un début. D'autres femmes enceintes participent désormais à l'expérience et l’équipe espère mieux comprendre le rythme des changements cérébraux normaux au cours de la grossesse.
Ces données pourraient à terme permettre d’identifier les signes précoces de dépression périnatale, qui touche 10 à 20 % des femmes, en mesurant les écarts par rapport aux transformations cérébrales habituelles.
Grâce à des initiatives comme l’Ann S. Bowers Women’s Brain Health Initiative, la recherche sur les effets de la grossesse, de la ménopause ou encore de l’hormonothérapie progresse. Ces études visent à étendre les connaissances scientifiques au-delà des seules particularités du corps masculin, longtemps privilégié dans la recherche.