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La Mostra de Venise a réparé une injustice en offrant à l'Espagnol Pedro Almodovar, 74 ans, le Lion d'or, l'un des prix les plus prestigieux de son immense carrière, pour son premier film américain, "La chambre d'à côté", sur le suicide assisté.
Le festival a aussi récompensé la prise de risque d'une icône hollywoodienne, Nicole Kidman, et le travail d'une figure du cinéma français, Vincent Lindon, en leur décernant ses prix d'interprétation.
Almodovar, récompensé aux Oscars, auteur de chefs-d'oeuvre comme "Tout sur ma mère", "La mauvaise éducation" ou "Douleur et gloire", est habitué des plus grands festivals. Mais il n'avait jusqu'alors jamais été consacré d'une récompense suprême en compétition.
C'est finalement le jury présidé par Isabelle Huppert, autre grand visage du cinéma européen d'auteur, qui offre cette récompense au cinéaste par excellence des femmes et des sentiments. "C'est mon premier film en anglais mais l'esprit est espagnol", a-t-il déclaré en recevant son prix.
Il en a profité pour livrer un plaidoyer pour l'euthanasie, clamant que "dire adieu à ce monde dignement est un droit fondamental de tout être humain".
L'ancien enfant terrible de la Movida est récompensé pour un film à la tonalité crépusculaire, qui "parle d'une femme qui agonise dans un monde qui agonise aussi". Personnage haut en couleurs, apparaissant encore sur le tapis rouge dans un costume rose saumon, Almodovar n'en recèle pas moins une certaine noirceur, plus marquée ces dernières années.
Son oeuvre relate l'histoire d'Ingrid (Julianne Moore), autrice de romans angoissée par la fin de l'existence, et Martha (Tilda Swinton), son amie de jeunesse, ancienne reporter de guerre habituée à défier la mort. Atteinte d'un cancer, cette dernière décide de mettre fin à ses jours.
Pour Isabelle Huppert, le film "aborde des sujets importants" avec "philosophie", "distance" et "sans mélodrame". En conférence de presse, la présidente du jury a aussi salué le jeu des actrices.
- "Très chic" -
La Mostra a récompensé une autre figure reconnue, Vincent Lindon, 65 ans, pour un rôle qui lui va comme un gant, mêlant intime, social et politique: celui d'un père confronté à la dérive de l'un de ses fils vers l'extrême droite violente, dans "Jouer avec le feu".
"Il est très rare qu'un président (de jury) français soit aussi généreux avec quelqu'un de son pays. C'est très rare et très chic", a-t-il souri avant d'embrasser Isabelle Huppert qui lui offre "un prix dont (il a) rêvé longtemps et (qui) change le cours de l'existence".
Le prix d'interprétation féminine est allé à Nicole Kidman - absente à cause du décès de sa mère - qui se joue une nouvelle fois, à 57 ans, de son image glamour dans "Babygirl", un thriller érotique nouvelle génération.
L'actrice s'expose comme rarement dans ce rôle d'une magnat new-yorkaise de la tech ayant une liaison avec un jeune stagiaire qui l'entraîne dans un jeu SM soft.
Un trophée qui est aussi un message : il récompense un film post-MeToo et salue une prise de risque rare dans la profession. Kidman est filmée à quatre pattes, en train de laper une tasse de lait dans un jeu de soumission, nue, de dos, ou faisant des injections de botox.
Huppert a jugé sa performance "assez extraordinaire", louant l'actrice et la réalisatrice Halina Reijn pour ce "portrait de femme très intéressant (...) à la fois puissante et fragile".
- Paul Kircher primé -
Pour sa 81e édition, le plus ancien festival de cinéma du monde avait fait le plein de stars hollywoodiennes mais certains des films les plus attendus sont repartis bredouille, dont "Joker : Folie à deux", avec Lady Gaga et Joaquin Phoenix, ou "Maria", le biopic sur la Callas avec Angelina Jolie.
Parmi les autres lauréats, "The Brutalist", long-métrage monumental de 3h30 sur le parcours d'un architecte survivant de la Shoah, interprété par Adrien Brody, vaut le prix de la meilleure réalisation à Brady Corbet. Très en vogue ces derniers mois en France, Paul Kircher reçoit à 22 ans le prix de la révélation pour son rôle dans "Leurs enfants après eux", inspiré du roman de Nicolas Mathieu.
La politique internationale s'est aussi invitée, à travers les propos d'une réalisatrice de la sélection parallèle Orizzonti, Sarah Friedland. "En tant qu'artiste juive américaine (...), je dois noter que j'accepte ce prix le 336e jour du génocide israélien à Gaza et la 76e année d'occupation", a-t-elle déclaré en recevant une distinction pour "Familiar Touch", sans évoquer l'attaque du Hamas le 7 octobre en Israël.