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"Je ne vais pas courir, je vais confronter mon violeur": les Libanais ont été nombreux dimanche au marathon de Beyrouth, marqué cette année par une campagne de lutte contre le viol et les violences sexuelles organisée par une ONG.
L'association libanaise Abaad milite pour des condamnations en justice plus sévères contre les responsables de violences sexuelles et pour changer la perception de l'opinion publique, qui stigmatise souvent la victime et lui fait porter la responsabilité du viol plutôt que de dénoncer l'agresseur.
Dimanche, à l'occasion de la 16e édition du marathon, des militantes d'Abaad, le visage grave et parfois toutes de noir vêtues, ont pris place sur le bord de mer, immobiles au milieu de la foule de coureurs qui les dépassaient, en brandissant des pancartes aux slogans percutants en arabe et en anglais, a constaté un photographe de l'AFP.
"Jugez le violeur, pas la victime" ou "Aujourd'hui je ne vais pas courir, je vais confronter ceux qui m'ont fait porter le blâme", pouvait-on notamment lire sur ces pancartes accompagnées du hashtag de la campagne: #MinElFelten? (#ShameOnWho, "Honteàqui")
Selon l'ONG, une femme sur quatre au Liban a été victime d'une forme d'agression sexuelle, et seuls 38% de ces cas sont rapportés.
Le marathon offre une "plateforme" qui permet "d'aborder le sujet dans la sphère publique pour poursuivre le débat sur cette culture du blâme à l'encontre de la victime", a affirmé à l'AFP la directrice d'Abaad, Ghida Anani.
L'évènement permet d'"attirer beaucoup d'attention sur un sujet encore considéré comme tabou dans le pays et qui devrait rester derrière des portes closes", a-t-elle ajouté, en remerciant les organisateurs du marathon.
- "Audacieux" -
Revêtant des voiles noirs couvrant leur visage et des ballons rouges à la main, les militantes ont également organisé une marche, avec des pancartes sur lesquelles on pouvait lire les accusations que subissent parfois les victimes d'un viol: "elle a certainement dû le provoquer", "c'est de sa faute", "elle devait avoir bu". Ces pancartes ont ensuite été remplacées par les slogans de la campagne.
Maria, jeune marathonienne de 16 ans, a salué une prise de position "audacieuse".
"C'est très fort, en général les femmes ont honte d'adopter cette attitude, alors que c'est ce qu'il faut. Il faut dire que le criminel doit être jugé", a estimé l'adolescente.
"Les lois au Liban sont injustes envers les femmes", a-t-elle déploré, évoquant les crimes d'honneurs ou encore le viol conjugal. "Il reste beaucoup de choses à revoir".
En août 2017, après une longue mobilisation citoyenne, le Parlement avait abrogé un article décrié du code pénal qui permettait à un violeur d'échapper à une condamnation en épousant sa victime.
Ce n'est pas la première fois que les débats politiques s'invitent au marathon. L'édition 2017 avait été marquée par le choc de la démission surprise, depuis l'Arabie saoudite, du Premier ministre Saad Hariri. L'immense majorité de l'opinion publique estimait à l'époque qu'il était retenu contre son gré par Ryad.
"Rendez-nous notre Premier ministre", pouvait-on alors lire sur les tee-shirts de nombreux participants.