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Beaucoup d'interrogations subsistaient dimanche sur la sécurité de l'aéroport de Seattle, les motivations du bagagiste qui y a dérobé vendredi un avion vide ainsi que l'origine de ses connaissances en pilotage.
Au fil des heures qui ont suivi l'accident, émergeait le portrait d'un jeune homme marié et sans histoires, Richard Russell, qui s'est écrasé, seul, vendredi soir dans la baie de Seattle après une heure de vol.
Proches et amis ont décrit "Beebo", son surnom, comme quelqu'un de sociable que "tout le monde aimait, parce qu'il était gentil et doux avec toutes les personnes qu'il rencontrait".
Rien ne laissait entrevoir, en apparence, la folle séquence de vendredi soir, durant laquelle Richard Russell est apparu euphorique dans ses échanges avec le contrôle aérien, comme inconscient des conséquences de ses actes.
Sur son blog, il ne cachait pas que le poste de bagagiste qu'il occupait depuis environ trois ans était surtout un moyen pour lui de rendre visite à sa famille en Alaska, grâce aux avantages accordés aux employés d'Horizon Air, sa compagnie.
"Je n'aurais jamais pensé que je travaillerais un jour comme agent au sol pour une compagnie aérienne", écrivait-il en septembre 2017.
"Cela me semblait être un travail ingrat", disait-il, "et je n'arrivais pas à m'imaginer pourquoi quelqu'un voudrait se soumettre au bruit permanent, aux gaz (des moteurs) et au transport d'objets lourds."
Après le vol, vendredi soir, de l'appareil, qui servait au fret et non au transport de passagers, la police locale avait rapidement écarté toute piste terroriste et décrit l'employé d'Horizon Air comme "suicidaire".
"Je vais faire un tonneau et si ça se passe bien, je vais piquer et ce sera tout pour ce soir", a ainsi expliqué Richard Russell au contrôle aérien, avouant qu'il n'avait "pas prévu de faire atterrir" l'appareil, qui s'est finalement écrasé dans un bois de l'île de Ketron, dans la baie de Seattle, sans faire de victimes.
- "Défaut de sécurité" -
L'appareil a été complètement pulvérisé après avoir traversé plusieurs lignes d'arbres d'une trentaine de mètres de hauteur, ont constaté les enquêteurs, qui ont pu récupérer la boîte noire.
Demeure aussi la question de la formation de ce pilote d'un jour capable de réaliser un looping aux commandes d'un avion de ligne, beaucoup plus difficile à manoeuvrer qu'un petit appareil de tourisme.
"A notre connaissance, il n'avait pas de licence de pilote", a indiqué samedi Gary Beck, directeur général d'Horizon Air.
"J'ai joué aux jeux vidéos avant, donc je sais un peu ce que je fais", a expliqué "Beebo" aux contrôleurs durant le vol.
Plusieurs jeux de simulation de pilotage, notamment le logiciel Just Flight, proposent de s'essayer à manoeuvrer un bimoteur à hélices Bombardier Q400 du même type que celui volé par Richard Russell.
Plusieurs centres, dont un se trouve tout près de l'aéroport de Seattle-Tacoma, sont, par ailleurs, équipés de simulateurs avec cabine, répliques fidèles de celle de cet avion très populaire.
Mais le plus surprenant reste la capacité qu'a eue le jeune homme à accéder aux pistes et à décoller, alors que l'aéroport, l'un des dix plus fréquentés du pays, tournait à plein régime.
Lorsqu'il s'est présenté en bout de piste, la tour de contrôle lui a demandé de s'identifier, mais ne semble pas avoir déclenché de procédure pour arrêter l'appareil.
En tant que bagagiste, Richard Russell "était autorisé à se trouver dans la zone" où était garé l'appareil, a expliqué samedi Brad Tilden, directeur général d'Alaska Airlines, maison mère d'Horizon Air.
Dès lors, pour le directeur des opérations de l'aéroport de Seattle-Tacome, Mike Ehl, la sécurité du lieu n'a pas été prise en défaut.
"C'était clairement un défaut dans la sécurité", a néanmoins considéré l'ancien patron du régulateur aérien américain (FAA) Michael Huerta, interrogé par le quotidien Seattle Times.
"Cela ne me surprendrait pas que des mesures soient prises pour changer le protocole ou qu'on y ajoute des étapes", a-t-il ajouté.
Interrogé sur le sujet samedi, Brad Tilden a estimé qu'il était "beaucoup trop tôt pour dire quelles procédures supplémentaires nous pourrions mettre en place".