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Arrivé il y a moins de deux ans, le patron d'Air France-KLM Jean-Marc Janaillac a démissionné vendredi, les salariés ayant rejeté la proposition salariale mise sur la table pour sortir du conflit qui mine la compagnie tricolore depuis deux mois et demi.
Les personnels d'Air France, qui ont massivement participé à la consultation (80,33%), ont voté "non" à 55,44%.
Jean-Marc Janaillac, 65 ans, arrivé en juillet 2016 aux commandes du groupe franco-néerlandais, en a tiré la conclusion en annonçant son départ.
"J'assume les conséquences de ce vote et je remettrai dans les prochains jours ma démission aux Conseils d'administration d'Air France et d'Air France-KLM", a-t-il déclaré à la presse, regrettant un "immense gâchis".
Il convoquera le conseil d'administration le 9 mai pour remettre sa démission formellement, selon un communiqué de la compagnie.
Le conseil devra "définir les conditions de sortie de la crise actuelle", ont réagi les ministres Bruno Le Maire (Économie) et Élisabeth Borne (Transports), saluant dans un communiqué "le courage de Jean-Marc Janaillac et le travail de redressement qu'il a mené depuis deux ans au sein du groupe".
"Le PDG d'#AirFrance vient d'inventer le référendum révocatoire de patron. Allo, Pepy ? On vote ?", a tweeté Jean-Luc Mélenchon (LFI), en référence au dirigeant de la SNCF Guillaume Pepy.
- Légitimité des syndicats -
Le résultat de la consultation -- sans valeur légale -- et le départ de celui qui était également président d'Air France plongent le groupe aérien dans l'incertitude.
Vendredi matin, Air France-KLM a annoncé une perte nette de 269 millions d'euros au premier trimestre, plombé par trois journées de grève d'Air France durant cette période.
La direction, qui chiffre à "300 millions d'euros" le coût des onze jours de grève étalées entre le 22 février et le 24 avril, anticipe déjà un résultat d'exploitation en 2018 "en baisse sensible par rapport à 2017".
Les préavis déposés lundi et mardi prochains ne seront pas levés, a annoncé vendredi soir l'intersyndicale d'Air France dans un communiqué. "Nous maintenons nos revendications et continuons d'exiger que de véritables négociations s'engagent enfin".
Les dix organisations de pilotes (SNPL, Spaf, Alter), d'hôtesses et stewards (SNPNC, Unsa-PNC, CFTC, SNGAF) et de personnels au sol (CGT, FO et SUD) qui la composent réclament 5,1% d'augmentation en 2018, au titre d'un "rattrapage" nécessaire après six ans de gel des grilles salariales.
Elles avaient rejeté la proposition de la direction prévoyant, pour la période 2018-2021, "des augmentations générales de salaire de 7% sur quatre ans, s'ajoutant aux augmentations individuelles", dont le versement était conditionné aux résultats financiers.
Philippe Evain, président du syndicat de pilotes majoritaire (SNPL), s'est "réjoui" auprès de l'AFP de l'issue du vote, une "confirmation que les syndicats représentent toujours les salariés".
"Même si nous ne validons pas le procédé", il "nous redonne de la légitimité, à l'inverse du but recherché par la direction", a commenté Christophe Campestre, porte-parole du deuxième syndicat de pilotes (Spaf).
- "Période trouble" -
Pour Jérôme Beaurain de SUD-Aérien, "les salariés n'ont pas été dupes" car ils réclament une forte augmentation salariale dès 2018, et non un accord pluriannuel.
Comme M. Evain, il juge Gilles Gateau, le DRH d'Air France, responsable de l'impasse actuelle et non M. Janaillac, dont l'intersyndicale n'a jamais demandé le départ.
Le climat social "va rester très dégradé" à Air France, pronostique Marc Saladin de l'Unsa-Aérien, évoquant un malaise plus grand que les salaires. Il y a aussi les "conditions de travail, les postes supprimés et remplacés par de la sous-traitance, de la délocalisation", selon lui.
Les motivations des 20.829 salariés ayant voté "non" sont probablement diverses (refus de la compagnie "Joon" pour les PNC, par exemple), comme l'a souligné M. Janaillac lui-même.
"Je n'ignorais pas que toute démarche de consultation de ce type comportait le risque que s'exprime, au-delà de la question posée, toutes les insatisfactions et les impatiences, encore nombreuses, dans la compagnie", a-t-il dit.
Pour la CFDT (non-gréviste), son départ "augure d'une période trouble" et d'une "grave crise de gouvernance dont Air France n'a pas les moyens, eu égard à l'environnement économique et concurrentiel" dans lequel elle évolue.