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Ken Loach a été fait jeudi "Docteur Honoris Causa" de la prestigieuse Université libre de Bruxelles (ULB) malgré les protestations d'universitaires et de représentants de la communauté juive de Belgique accusant le cinéaste britannique d'être antisémite et négationniste.
Ken Loach s'est défendu bec et ongles contre ces accusations en réaffirmant qu'il rejetait l'antisémitisme et le négationnisme.
"Je trouve un peu choquant d'avoir à faire cette déclaration sur ces allégations parce que toute ma carrière et tous les films que j'ai fait visaient à défendre les droits de l'homme et (...) la justice sociale", a-t-il plaidé lors d'une conférence de presse.
Le Premier ministre belge Charles Michel avait alimenté la controverse au cours d'une visite mercredi soir à la Grande synagogue de Bruxelles à l'occasion du 70e anniversaire de l'Etat d'Israël.
Le dirigeant libéral francophone avait en effet regretté à mots couverts, au nom du combat contre l'antisémitisme, ces honneurs rendus au cinéaste, double Palme d'Or à Cannes.
"Notre fermeté doit être totale. Aucun accommodement avec l'antisémitisme ne peut être toléré. Quelle que soit sa forme. Cela vaut aussi pour ma propre alma mater", avait estimé M. Michel.
Une allusion à l'ULB --où cet avocat de profession a étudié le droit--, et donc à cette cérémonie de jeudi très contestée par des associations juives.
"J'ai compris qu'il avait étudié le droit dans cette université. Est-ce qu'ils enseignent mal ou n'a-t-il pas réussi ses examens ?", a ironisé le réalisateur de "Moi, Daniel Blake", lors de sa conférence de presse. "Un bon avocat doit examiner les preuves avant de conclure. M. Michel, regardez les preuves !"
A l'origine de la polémique, des propos tenus par Ken Loach dans une interview en septembre 2017 à la BBC, en marge d'un congrès du Parti travailliste au Royaume-Uni.
A la question de savoir si nier l'Holocauste était acceptable, le cinéaste très engagé à gauche avait répondu: "Toute l'histoire est notre patrimoine commun à discuter et à analyser. La fondation de l'Etat d'Israël, par exemple, fondée sur le nettoyage ethnique, est là pour que nous en discutions".
Dans une tribune signée par 650 personnalités mardi dans le quotidien belge L'Echo, Ken Loach a été accusé de "falsifier l'histoire à des fins politiques" en évoquant la collaboration de certains dirigeants sionistes avec les Nazis à Budapest en 1944, sujet central d'une pièce de théâtre dans les années 1980.
Face à l'émotion suscitée en Belgique, l'ULB -- haut lieu de la libre pensée -- a dû préciser qu'elle rendait hommage à l'"œuvre militante" du cinéaste, ses positions politiques "relevant de sa liberté d'expression et n'engageant pas l'université". Celle-ci lui a aussi demandé de "réitérer ses positions sans équivoque", ce qu'il a accepté de faire dans un communiqué.
"Je comprends que mes prises de position ne sont pas très connues à Bruxelles. Pour éviter toute ambiguïté, je tiens à déclarer, une fois pour toutes, que je condamne toute forme de déni de l'Holocauste ou +négationnisme+ comme vous le dites en français", a écrit Ken Loach.
Et l'ULB a refusé de revenir sur sa décision de lui remettre les insignes de "Docteur Honoris Causa".
Ken Loach a finalement reçu son titre, avec d'autres personnalités -- dont l'ex-ministre française de la Justice Christine Taubira --, sous les applaudissements et devant un auditoire comble.
Dans un communiqué publié jeudi soir, le Comité de coordination des organisations juives de Belgique CCOJB) a regretté que l'ULB "persiste dans son erreur" et dénoncé en Ken Loach un "propagandiste insidieux".