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Jane Campion: le retour triomphal à Hollywood d'une cinéaste exigeante et libre

Après avoir boudé Hollywood pendant plus d'une décennie, la Néo-Zélandaise Jane Campion signe un retour triomphal en gagnant l'Oscar de la meilleure réalisatrice pour son western psychologique "The Power of the Dog".

La cinéaste n'est que la troisième femme à recevoir cette récompense prestigieuse, un an seulement après Chloé Zhao et 12 ans après la pionnière Kathryn Bigelow pour "Démineurs".

En recevant son prix, Jane Campion a salué les autres nominés: "je vous aime tous, vous êtes aussi extraordinairement talentueux et cela aurait pu être n'importe lequel d'entre vous".

"The Power of the Dog", plongée dans l'univers maussade d'une masculinité toxique, incarné par la rivalité entre deux frères dans un ranch du Montana dans les années 1920, marque une rupture pour Jane Campion, surtout connue jusqu'ici pour ses portraits de femmes aux émotions complexes.

Unanimement salué par la critique, "The Power of the Dog" a raflé douze nominations aux Academy Awards et fait sensation au même titre que "La Leçon de piano", autre film-phare de Jane Campion, aux Oscars de 1994, où elle avait été récompensée pour le meilleur scénario adapté.

"Je suis ravie, j'ai l'impression de faire une sorte de retour. Je me sens vraiment très émue. Les gens de l'Académie ont voté pour tant de catégories!" s'est exclamée la réalisatrice de 67 ans, quelques jours avant la cérémonie.

Personnalité exigeante et libre, Jane Campion était déjà entrée dans la légende de l'histoire du cinéma en 1993 en devenant la première femme à remporter la Palme d'or au Festival de Cannes.

Elle déplorera, par la suite, que cet exploit n'ait pas engendré une nouvelle vague de réalisatrices à succès, et dénoncera le sexisme dans le monde du cinéma, incapable selon elle d'accepter la "vision féminine".

Elle prend ses distances avec Hollywood en 2009, après son film "Bright Star", déplorant la difficulté pour une cinéaste de créer librement et d'accéder au financement des studios dans une industrie très majoritairement masculine.

Elle se tourne alors vers la télévision avec la série policière "The Top of the Lake", dont l'action se déroule dans une petite ville de Nouvelle-Zélande, un immense succès d'audience.

- "#MeToo a tout changé" -

La perspective d'adapter le roman "The Power of the Dog" de l'Américain Thomas Savage, une histoire d'homosexualité réprimée dans un décor de Western parue en 1967, la pousse à revenir au grand écran.

"Je n'arrêtais pas d'y penser. En fait, j'étais hantée", dira-t-elle à propos de cette intrigue.

Entretemps, le mouvement #metoo a rendu le monde du cinéma bien différent de celui que Jane Campion avait connu dans les années 1990.

"Le mouvement #metoo a tout changé", expliquera-t-elle. "Je pense que la période entre la fin des années 1990 et jusque vers 2015 était un époque très sombre. Maintenant, les femmes ont tellement plus de succès... On ne les emploie plus par charité (...) C'est ça le grand changement. Nous voulons être reconnues parce que nous sommes vraiment bonnes!".

Jane Campion est née le 30 avril 1954 dans la capitale néo-zélandaise Wellington, d'une mère comédienne et d'un père directeur de théâtre, tous deux fascinés par Shakespeare. Elle délaisse la vie d'artiste pour l'anthropologie, avant des études de peinture en Angleterre et en Australie.

Elle bifurque vers le cinéma dans les années 1980 en prenant des cours dans une école australienne dont elle sort diplômée en 1984.

La reconnaissance vient deux ans plus tard seulement, avec son premier court métrage "Peel", récompensé à Cannes.

Elle enchaîne avec "Sweetie", en compétition à Cannes en 1989, puis "Un ange à ma table", sur la vie tragique de la romancière Janet Frame, prix spécial du jury en 1990 à Venise.

La réalisatrice poursuit sa galerie de personnages féminins marginaux dans "La leçon de piano" qui révèle la comédienne Holly Hunter dans le rôle d'une sourde et muette amoureuse d'un Maori illettré au 19e siècle. A la clé, une pluie de récompenses internationales, dont trois Oscars.

"Portrait de femme" en 1996 avec Nicole Kidman, "Holy Smoke" en 1999 avec Kate Winslet, "In the Cut" en 2003 avec Meg Ryan et encore "Bright Star" en 2009 illustrent cette appétence pour les rôles de femmes en butte à la norme imposée par la société.

"Mes films sont des réactions à l'obsession de la société pour la normalité, sa propension à exclure les déviants", a-t-elle raconté.

Jane Campion s'est également essayée au documentaire. Comme "Abduction: The Megumi Yokota Story" (2006) sur une collégienne japonaise enlevée par la Corée du Nord en 1977.

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