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Il y a 20 ans, un forcené connu pour ses sympathies avec l'extrême droite abattait froidement ses voisins, un couple de nationalité marocaine, dans leur appartement de la rue Vanderlinden à Schaerbeek. Ce double crime raciste avait soulevé une vague d'indignation jusque dans les rangs politiques.
Le 7 mai 2002, Hendrik Vyt, un homme de 79 ans connu pour ses affinités idéologiques avec l'ancien parti d'extrême droite flamande Vlaams Blok (devenu Vlaams Belang), avait fait irruption dans l'appartement de ses voisins et ouvert le feu sur la famille Isnasni, tuant les parents, Ahmed et Habiba. Touché au thorax par les balles de riposte des policiers, le meurtrier était décédé dans l'incendie qu'il avait lui-même bouté dans son appartement. Ce double crime xénophobe, survenu quelques jours après la défaite du candidat du Front national Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de l'élection présidentielle française, avait saisi d'effroi Schaerbeek et la Belgique entière. S'adressant à la communauté arabe et musulmane du pays, la vice-Première ministre et ministre de l'Egalité des chances de l'époque, Laurette Onkelinx, avait fait part, au nom du gouvernement fédéral, de la "révolte que ne peut que partager tout démocrate" après cet acte odieux. Pour le gouvernement, ce crime était d'autant plus abject qu'à "la lâcheté d'un homme qui abat froidement deux de ses voisins désarmés, s'ajoute l'ignominie de la motivation de cet acte: le racisme", avait écrit Mme Onkelinx dans une lettre ouverte.
Mes parents ne sont pas seulement des victimes du racisme
Rescapée du massacre avec ses frères, la fille des victimes, Kenza Isnasni, appelle à ne pas oublier. Vingt ans après la disparition de ses parents, "les propos racistes et relents de haine prospèrent toujours, sous de nouvelles formes, plus diffuses, et sans que cela ne choque personne", s'alarme celle qui mène un combat sans relâche en faveur de la tolérance et du dialogue interculturel. Pour mener le nécessaire devoir de mémoire, Kenza Isnasni a fondé l'association Habiba Ahmed Foundation (HAF), soutenue entre autres par la princesse Esmeralda de Belgique, l'auteur-compositeur et écrivain franco-rwandais Gaël Faye et l'auteur et metteur en scène rwandais Dorcy Rugamaba. "Mes parents ne sont pas seulement des victimes du racisme. Ils reflètent une partie de l'histoire de l'immigration marocaine en Belgique et donc de l'histoire collective belge. Le devoir de mémoire est central à cet égard", ajoute-t-elle. Avec plusieurs riverains, Kenza Isnasni espère renommer une partie de la rue Vanderlinden aux prénoms de ses parents. "Une rue Habiba-Ahmed représenterait un message fort. Pour la mémoire, nommer une rue, c'est reconnaître de manière pragmatique et symbolique la richesse culturelle d'une société, son apport, son évolution, son histoire, croisant les regards du passé et du présent", explique-t-elle.
A l'occasion des commémorations du vingtième anniversaire du crime raciste, une marche a eu lieu samedi à Schaerbeek. Le rassemblement était prévu à 13h30 devant le 121 de la rue Vanderlinden pour le dépôt d'une gerbe de fleurs.
Le cortège est pari vers 14h00 en direction de l'hôtel de Ville, où flotte un drapeau blanc en hommage aux victimes. Les marcheurs ont rejoint ensuite le parc Josaphat, où des prises de parole ont ponctué la cérémonie. Les participants et participantes étaient invités à se parer de blanc. "Nous ferons en sorte que ce moment de commémoration soit un engagement pour plus de paix, de reconnaissance et de respect mutuel et surtout de "faire ensemble"", conclut Kenza Isnansi.