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Harcelée, Maëlle s'est suicidée à l'âge de 14 ans: "Cela a été très vite", révèle sa maman qui regrette le manque d'aide

Ce vendredi, l’invitée de la rédaction à 7h50 était Zara Chiarolini, maman de Maëlle, qui s’est suicidée le 31 janvier 2020 à Jumet à l’âge de 14 ans. Elle est vice-présidente de l’association "Les mots de Tom" qui lutte contre le harcèlement scolaire et apporte du soutien aux familles. Elle a répondu à distance aux questions de Christophe Deborsu. Des initiatives de prévention contre le harcèlement existent mais sont particulières à l’une ou l’autre école. Et la maman de Maëlle regrette que les parents se sentent encore démunis aujourd'hui face à ce genre de harcèlement. Ils ne savent pas vers qui se tourner. 

Vous êtes professeure de français à Jumet. Votre vie valse en éclat le 31 janvier 2020. Votre fille Maëlle, 14 ans, se suicide. Une vidéo la montrant nue circule sur internet à l’époque. Que se passe-t-il ? 

"En fait, Maëlle a été victime de ce qu’on appelle de la pornodivulgation. Son petit-copain au moment de la rupture a diffusé une vidéo qui avait été échangée dans la sphère privée. Il l’a donc rendue publique. Et il s’en est suivi évidemment un cyberharcèlement. Cela a été très vite puisqu’après la diffusion, ma fille a mis fin à ses jours deux mois après. Donc, elle a très vite plongée dans la honte, le désarroi et la culpabilité". 

Cyberharcèlement, cela veut dire qu’elle a eu plein de remarques, que tout le monde voyait cette vidéo. C’est tout à fait insupportable pour une jeune fille. C’est ça le gros problème ? 

"On a l’impression quand on prend le bus, quand on se rend à l’école que tout le monde a vu cette vidéo et donc cela devient ingérable et intenable pour le jeune qui en est la cible. Et le jeune a tendance à ne plus trouver de porte de sortie, de solution. Et donc, la seule solution pour sortir de cette souffrance qu’a trouvé ma fille, c’est de mettre fin à ses jours". 

Elle vous parle de ce qui se passe à ce moment-là ou vous ne voyez rien ? 

"Non, cela a quand même été très vite. Maëlle a mis fin à ses jours 2 mois plus tard. Donc, je n’ai pas vraiment eu le temps de voir quoi que ce soit. Il y a bien sûr eu des petits signes. Un peu plus agressive. Evidemment les adolescents ils sont toujours dans leur chambre, mais on attribue cela en général à la crise d’adolescence. Mais je n’imaginais absolument pas qu’il y avait tout ça qui se jouait à son insu et à mon insu surtout". 

Les messages que vous avez pu découvrir après sur les réseaux sociaux, c’était vraiment épouvantable…

"Oui, après c’est évidemment la douche froide. Déjà j’ai découvert le jour du suicide de ma fille qu’il y avait cette vidéo qui avait circulée. J’ai découvert qu’elle avait été ciblée par du harcèlement au sein de son école par les jeunes qui avaient vu la vidéo. Des moqueries, insultes et humiliations. Et avec la multiplicité des diffusions sur les réseaux sociaux, ça a été une vague. Donc cela a été très difficile parce que le cyberharcèlement ne laisse absolument aucun répit. C’est jour et nuit. Même le refuge de sa chambre n’y était plus". 

Un mot sur la peine que les quatre jeunes poursuivis par le tribunal de la jeunesse de Charleroi ont reçue. Trois des responsables, tous mineurs, ont été condamnés à des peines éducatives et le dernier a reçu une réprimande du tribunal. Vous pouvez vivre avec cela ? 

"C’est très difficile. Les audiences au tribunal sont une épreuve terrible. Cela ne répare pas, cela ne console pas mais cela montre en tout cas que notre système n’accepte pas ce genre d’actes. Et donc là le message est quand même fort. Oui, on encourt des risques, des peines si on diffuse ce type de contenu sur les réseaux sociaux."

La ministre de l’Enseignement Caroline Désir a mis au point un plan anti harcèlement pour aider les jeunes et leurs familles. 200 écoles seront coachées chaque année. Il y a 2.500 écoles en Wallonie et à Bruxelles, donc c’est évidemment un plan très partiel. Pour vous, la prévention c’est bien mais ce n’est pas assez parce que, quand on détecte le harcèlement, il n’y a pas beaucoup d’aide. C’est vraiment ça votre message ce matin. 

"Je salue vraiment ce plan harcèlement qui a le mérite d’exister. C’est vraiment un projet ambitieux, qui permet justement qu’il y ait ce cadre qui sera généralisable à l’ensemble des établissements scolaires, et ça on en avait besoin. La prévention permet dans les maximum des cas de résorber 20% des situations de harcèlement et donc la prévention ne suffit pas. Avec ce plan, on va amener à une libération de la parole, les jeunes vont pouvoir trouver au sein des écoles ces fameux référents vers qui se tourner. Mais la question est ensuite : que fait-on de cette libération de la parole ? Comment accompagner le jeune, sa famille et le sortir de cette situation ? Et là, je pense qu’il y a un manquement à ce niveau-là". 

Pour toute question sur le suicide n’hésitez jamais à contacter gratuitement le centre de prévention du suicide au 0800 32 123.

 

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