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Hamza, 23 ans, consomme chaque jour 5 comprimés de Lyrica, un médicament de plus en plus utilisé comme une drogue

Surnommé la nouvelle drogue du pauvre, le Lyrica se répand de plus en plus en Europe, y compris chez nous. Facilement accessible, le médicament est détourné de son usage premier malgré la vigilance des pharmaciens.

Depuis plusieurs années, le nombre de consommateurs de Lyrica dans notre pays est en constante augmentation, pour plusieurs raisons comme l’arrivée de formes génériques, une meilleure connaissance des effets thérapeutiques de la molécule, mais aussi un accroissement des mauvais usages de ce médicament.  

A 23 ans, Hamza (nom d’emprunt) souffre d’une forte dépression et pour la surmonter, il consomme du Lyrica qu’il se procure sur le marché noir bruxellois. 

"La première fois que j’ai pris du Lyrica, j’ai ressenti une sensation d’euphorie, je me sentais bien. J’ai retrouvé l’envie de faire des choses, de sortir avec des amis et de parler aux gens. L’effet dure quelques heures, jusqu’à ce 5 heures en tout, après ça on ressent une envie de dormir et on dort comme un bébé. Mais, au réveil, il y a à nouveau ce sentiment de dépression et de mal-être".

Le Lyrica est un médicament, sur ordonnance, utilisé contre les douleurs chroniques, l’épilepsie et les troubles d’anxiété généralisée. Il a des effets anxiolytiques, désinhibants et euphorisants. Il constitue aussi de ce fait une alternative à bas prix pour certains consommateurs de stupéfiants. On l’appelle généralement la drogue du pauvre et il est possible d’en acheter à l’unité ou en boîte dans les rues de Bruxelles, de Liège et des grandes villes belges. 

La boîte de 56 gélules est vendue entre 5 euros et 20 euros, selon le dosage, mais peut être revendue un ou deux euros le comprimé. Comparé aux prix des autres drogues, le Lyrica est meilleur marché. 

Si on a le moindre doute, on prend contact avec le médecin

Le Lyrica a un effet euphorisant, il donne aussi l’impression de toute puissance. On consomme rarement le Lyrica seul. Ce médicament se superpose à d’autres produits (crack, cocaïne, méthadone, …). La plupart des gens rencontrés sur le terrain, sont multi-consommateurs. Les consommateurs sont parfois très agressifs ou violents. Il peut y avoir des confrontations entre dealers, mais aussi avec des consommateurs en manque. Et puis, il y a tout l’aspect vol et agression pour se procurer de l’argent pour consommer.

En Belgique, les premières observations d’usage détourné ont été faites en 2016. Selon les spécialistes du terrain, la crise covid a intensifié le phénomène de consommation.  
Le nombre de patients mutualisés ayant reçus au moins une prescription de Lyrica remboursée par la sécu en Belgique est passé de 5.318 en 2006 à 140.483 en 2020. C’est 26 fois plus, en 14 ans.

Valérie est pharmacienne depuis près de 30 ans. Elle constate que des ordonnances sont falsifiées depuis environ six ans : "Si on a le moindre doute, on prend contact avec le médecin. En général, ce qu’on va faire pratiquement, c’est de dire : je n’ai pas ce médicament, je vous le commande, laissez-moi votre numéro de téléphone et je vais prendre contact avec votre médecin. Et là, on voit avec le médecin s’il dit qu’il faut lui donner ou s’il n’était pas au courant"

Abuser de cette molécule très addictive peut provoquer des troubles du rythme cardiaque, des hallucinations, des comas et même entraîner la mort.

David Weytsman, président de la commission Santé au Parlement francophone bruxellois veut installer une task force avec les communes, les Cpas, le Fédéral, la Région, les pharmaciens et les médecins pour limiter les prescriptions médicales et les ventes en pharmacie et sensibiliser aux effets de ce médicament. 

Quant à Hamza, pour limiter sa consommation, il se fait aider par un service d’accompagnement. Aujourd'hui, le jeune homme est passé de 10 à 5 comprimés par jour. 

 

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