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Tête baissée, nous voici plongés dans un espace restreint d'1,40 mètre de haut, avec une odeur nauséabonde... C'est là que sont collectées les eaux usées. Une tenue adéquate est exigée pour se protéger des maladies. Les égouts de Bruxelles sont un véritable réservoir de virus et de bactéries.
Ce que l'on voit couler... C'est "ce que vous produisez à la maison", dit Olivier Lagneau, directeur "Exploitation réseau" de l’entreprise publique Vivaqua. "C'est le rejet de l'évier avec du savon, du savon de vaisselle et puis quelques résidus alimentaires... C'est ce qui sort de votre WC, donc les déjections solides et le papier WC. C'est ce qui sort de votre douche, donc le gel douche et tout. C'est des eaux très sales."
Chaque égout est raccordé à un bâtiment proche. C'est une infime section dans le très vaste réseau bruxellois. Il y a 2.000 kilomètres de canalisations pour emmener les eaux usées vers des stations d'épuration. Un étonnant labyrinthe... mais qui présente des faiblesses: "Vous pouvez voir de part et d'autre de l'endroit où je suis, des endroits où les briques manquent complètement. C'est le début d'un problème de structure", pointe Olivier Lagneau.
Une structure vétuste
Le résultat d'un réseau vétuste bâti à partir du milieu du 19ᵉ siècle, puis souvent délaissé par les communes. Conséquence directe de ce délabrement : des effondrements à répétition, comme en octobre dernier. "Ici, dans cette tranchée, il y avait un égout. Il y avait même deux égouts: l'égout de l'avenue et l'égout de la rue qui est là. Et effectivement, c'est cette jonction qui s'est complètement effondrée sur elle-même. La terre sous la voirie était partie et on avait une cavité de 350 m3."
Les ouvriers doivent donc réparer le plus vite possible. Ils installent des coques, c'est-à-dire de la tuyauterie moderne. Mais leur travail ne se limite pas aux opérations d'urgence. Ils sont occupés aussi à rénover en profondeur le réseau : 220 kilomètres à consolider en priorité. 15 kilomètres par an durant 15 ans pour éviter les scénarios catastrophes.
"Il pourrait y avoir, comme on connaît d'ailleurs depuis des années, des affaissements de voiries. Des trous qui se créent dans le revêtement de surface et éventuellement une voiture qui pourrait tomber dedans", avertit directeur "Exploitation réseau" de l’entreprise publique Vivaqua.
Un chantier colossal d'environ 70 millions d'euros par an pour moderniser les égouts bruxellois.
Du sur-mesure
Pour limiter la facture, le gestionnaire a lancé il y a deux ans sa propre usine pour fabriquer sa tuyauterie. "Ça, c'est vraiment le centre nerveux de l'usine où on va mélanger les différents constituants du tuyau, c'est-à-dire le sable, la résine, la fibre de verre sur le moule", nous explique Olivier Broers, directeur "Etudes et investissements" de l’entreprise publique Vivaqua.
Du sur-mesure, selon les besoins du terrain : "Ça nous permet d'être agiles par rapport à l'imprévu, d'avoir des commandes qui arrivent en 'just in time' sur sur les chantiers également. Egalement d'un point de vue coût, le fait d'avoir sa propre usine, ça représente une économie pour la collectivité parce que nous arrivons à produire moins cher que lorsqu'on les achetait à des fournisseurs", poursuit-il.
Ils produisent par an environ 5 à 6 km de tuyaux. "Ils sont réalisés en polyester, renforcés de fibre de verre, un peu comme une coque de bateau. Et en fait, le but poursuivi est d'avoir énormément de glissance à l'intérieur de ce tuyau."
Un travail souterrain de longue haleine
Garantir un écoulement optimal, c'est un enjeu majeur. S'il pleut fort, une cavité d'1,80m de haut peut très vite se remplir. 130 millions de m3 d'eaux usées et de pluie sont récoltés sur une année dans l'ensemble des égouts. "L'égout doit continuer à remplir sa fonction première, qui est d'évacuer les eaux usées. Sinon, il y a des risques sanitaires pour la population. Il évacue aussi aujourd'hui toutes les eaux de pluie. Et on sait qu'avec le changement climatique, il y a de plus en plus de gros trous d'eau qui peuvent arriver à faire évacuer plus d'eau."
Des ouvriers inspectent avec minutie les égouts. Un travail souterrain de longue haleine avec pour compagnie des rats par milliers. Le gestionnaire du réseau cherche à freiner leur prolifération pour ne pas qu'ils envahissent la capitale et pour protéger ses ouvriers qui consacrent leur quotidien au confort sanitaire des Bruxellois.