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L'émergence de la Team Fouad Ahidar est une des surprises de ces élections communales. Fouad Ahidar est un ancien député bruxellois pour Vooruit, les socialistes flamands. Sa liste a obtenu trois députés dans la capitale en juin et 28 conseillers communaux en région bruxelloise ce dimanche.
Ce qui frappe d'emblée quand on suit la Team Fouad Ahidar, c'est que les candidats sont le plus souvent musulmans et les électeurs aussi. On le remarque par exemple sur le marché de Molenbeek ou encore à Anvers où la Team se présentait également.
La version officielle de Fouad Ahidar c'est: "Je suis là pour tous les Belges."
"On a l'impression quand même que vous allez beaucoup vers les gens issus de la diversité", lui demande notre journaliste. "Je vais chez tout le monde, peut-être que vous ne filmez que ceux-là, ça c'est autre chose, mais en tout cas je vais chez tout le monde", répond Fouad Ahidar.
En-tout-cas, les électeurs musulmans se reconnaissent en Fouad Ahidar, à Molenbeek et à Anvers. "Notre religion musulmane est une belle religion et nous avons le droit de défendre notre foi", dit une électrice.
"En rapport avec notre but religieux"
À Anvers, une candidate de la Team Ahidar se laisse même aller à une confidence avant d'être rappelée à l'ordre par un colistier.
"Pourquoi portez-vous un foulard", demande notre journaliste. "Parce que je suis persuadée que ça me plaît de le porter. C'est en rapport avec notre but religieux et je le porterai jusqu'à ma mort."
La religion est-elle importante pour votre programme de parti? "Oui, c'est très important."
"On doit avancer", lance alors un homme, coupant court l'interview.
Sous ses dehors bon enfant, le parti n'a pas de vocation d'enfant de cœur, comme le laisse entendre le numéro un de la Team à Bruxelles, le chef d'entreprise et grand amateur de belles voitures, Mourad Maimouni. "La confiance c'est bien, le contrôle c'est mieux", lance-t-il en rigolant.
Combat pour l'abattage rituel
Revenons à Fouad Ahidar. Pourquoi met-il en avant les combats de l'islam ? "À partir du moment où les gens, s'ils n'étaient pas lésés, on n'en parlerait pas", dit-il. "Si jamais les gens avaient le droit de pouvoir vivre leur religiosité correctement, de pouvoir travailler, de suivre certains cours sans aucun problème, la discussion ne serait pas là."
Ainsi, Fouad Ahidar lutte-t-il sur les réseaux sociaux contre l'obligation d'étourdir le bétail avant de l'abattre. "Arrêtez de nous harceler, arrêtez d'harceler la communauté musulmane", dit-il dans une vidéo TikTok.
Voici l'argumentaire qu'il donne, contre l'avis des vétérinaires. "On nous a amené deux neurologues qui nous disent que l'abattage rituel à l'heure actuelle est la méthode la plus rapide et la moins pénible pour l'animal. On a amené deux neurologues, ils sont venus nous expliquer", affirme-t-il.
Voici la réponse d'un vétérinaire: "Les 325 000 vétérinaires européens qui se sont joints à la motion sont tous du même avis", dit Alain Schonbrodt, membre de la Fédération vétérinaire européenne. "Cliniquement, il est évident que l'animal souffre. On voit des manifestations, soit des pattes, soit des yeux ou des oreilles. L'expression même de souffrance apparaît sur le visage et ce pendant souvent plusieurs minutes.
"Je ne peux pas croire que Dieu va laisser souffrir un animal", rétorque Fouad Ahidar. "Je l'ai dit au Parlement et je le redirai s'il faut. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que Dieu va nous donner les méthodes les plus rapides pour éviter qu'un animal souffre."
Un avis à contre-courant de ce que pensent les vétérinaires: "Nous n'avons jamais remarqué qu'un animal soit protégé par quelque intervention divine que ce soit. Jamais", affirme Alain Schonbrodt.
Ce genre de position a donc permis à Fouad Ahidar d'obtenir 28 conseillers communaux en région bruxelloise
L'importance des réseaux sociaux
Il diffuse son message sur les réseaux sociaux et surtout par de nombreux messages WhatsApp envoyés le week-end des élections. "Il fallait trouver le moyen le plus démocratique et le plus facile, c'était celui-là", assure-t-il. "Sur les 20 ans que je travaille en politique, j'avais une banque de données qui était intéressante, que j'ai utilisé, avec l'autorisation des gens, parce que beaucoup me posent des questions. Moi je dis: 'si vous êtes intéressé à avoir de l'information, oui. Si vous n'êtes pas intéressé, vous me dites non'. Et sur les 15 000 numéros que j'ai envoyés, j'en ai 20 qui m'ont dit non, je ne suis pas intéressé."
Des côtés sombres
Mais il y a d'autres côtés sombres chez Fouad Ahidar. Notamment quand il banalise l'attaque du Hamas contre Israël il y a un an. "Ils ont semé la haine et le massacre et la désolation depuis 75 ans. Et aujourd'hui, il y a une petite réponse qui a été donnée par une partie du Hamas", avait-il déclaré.
Depuis lors, il s'est excusé, mais assez mollement. "Je dis simplement que proportionnellement, c'était une petite réponse du Hamas. Je me suis excusé par rapport à ces propos. On peut revenir 10 fois, 100 fois, 1000 fois. En attendant, il y a des dizaines de milliers de morts, on n'en parle plus.", dit-il.
Ça lui vaut une plate protestation des organisations juives de Belgique. "Lorsqu'il prononce ce type de paroles, c'est extrêmement grave parce que c'est menaçant", indique Yves Oschinsky, président du Comité de coordination des organisations juives de Belgique. "C'est menaçant puisque c'est une incitation à la haine et à la violence, à la haine antisémite."
"Il faut être fier de ce qu'on a fait"
Un autre secret de Fouad Ahidar, c'est qu'il recrute sur ses listes des personnes connues dans les milieux musulmans. Derrière une façade anonyme, Mourad Maimouni, ex-socialiste, désormais tête de liste Ahidar à Bruxelles. Dans un débat avec le président du MR, Georges-Louis Bouchez. Tout se passe sur une chaîne YouTube, destinée au départ à la communauté arabo-musulmane. "Les Bruxellois de confession musulmane, on embarque leur table systématiquement dessus", a-t-il lancé.
Ce podcast est une manière efficace de faire campagne, même pour monsieur Bouchez. "Il y a toute une série de médias alternatifs qui sont actifs et qui ont un certain succès, diffusés aussi via WhatsApp, via des groupes, etc. Donc oui, il n'y a pas que les médias traditionnels", dit le président du MR.
Après le débat nocturne, Mourad Maimouni va chercher sa voiture. Sa grosse Mercedes full option intrigue pour quelqu'un qui se dit candidat du peuple. "Moi, je pars du principe qu'il faut être fier de ce qu'on a fait, il ne faut pas s'en cacher", lance-t-il. "Et comme dit l'adage, on ne cache que ce qu'on a honte."
Sans doute dans l'opposition
Mais pour l'essentiel, la Team Ahidar se fonde sur un homme, Fouad Ahidar, ancien député socialiste flamand à Bruxelles. Il est d'ailleurs parfait bilingue. Et ne lui dites pas qu'il utilise à son avantage le système électoral bruxellois qui favorise les Flamands en leur assurant des quotas. "J'ai toujours été élu sur la liste néerlandophone à Bruxelles", affirme-t-il. "Je n'ai pas fait autre chose et je ne peux pas me présenter autre part parce qu'une fois qu'on a été élu sur le groupe linguistique néerlandais, on ne peut plus se présenter à un autre groupe linguistique."
Malgré ses performances électorales, Fouad Ahidar risque bien de rester dans l'opposition partout. L'homme est victime de ses excès, ceux qui expliquent son succès dans les urnes.