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En Belgique, les citoyens ont le droit de voter. Depuis 1919 pour les hommes et 1948 pour les femmes, ça ne fait pas si longtemps que ça. Notre originalité – nous, les Belges, faire autrement que les autres, on adore ça – c’est que non seulement c’est un droit, mais aussi une obligation.
En Belgique, les citoyens ont le droit de voter. Depuis 1919 pour les hommes et 1948 pour les femmes, ça ne fait pas si longtemps que ça. Notre originalité – nous, les Belges, faire autrement que les autres, on adore ça – c’est que non seulement, c’est un droit, mais aussi une obligation. Bon, on n’est pas aussi seuls dans le cas qu’on ne croit. Le Luxembourg et la Grèce obligent à voter comme nous. De l’autre côté de l’Atlantique, la Bolivie et le Brésil font de même. C’est encore le cas à Nauru, une mini île-pays de 11 000 habitants, ancienne colonie australienne en Océanie.
Cela écrit, même en Belgique, les choses changent.
Le 13 octobre 2024, aux élections communales et provinciales, les Flamands seront pour la toute première fois libre de voter ou pas. La décision a été prise par le gouvernement régional N-VA-CD&V-Open VLD. Et c’est une révolution au royaume de Belgique qui n’en avait plus connu de pareille depuis 1830. Les Flamands suivent ainsi les Néerlandais qui ont abrogé le vote obligatoire en 1970. Mais que voit-on aux Pays-Bas ? Un taux de participation qui ne cesse de baisser. Exemple aux élections communales : 93 % de votants en 1966, 58 % en 2006, 49 % in 2022, moins de la moitié des inscrits, une misère.
Ces chiffres en forme de culbute n'ont pas empêché la coalition flamande de centre droit d’aller au bout de son idée. Raisons invoquées par le ministre flamand de l’Intérieur de l’époque, le libéral Bart Somers: "Les candidats devront dorénavant convaincre les citoyens d’aller voter. Cela va renforcer le débat. Il va falloir tout donner pour sortir l’électeur de son domicile le jour J. Désormais, le vote ne sera plus une charge qu’on accomplissait en râlant, mais un choix libre. On redécouvrira le plaisir et le sens du vote".
De bien beaux mots. Qui cachent un agenda caché ? selon un sondage récent, ce sont deux des trois partis qui ont initié la réforme, d’abord le CD&V et ensuite la N-VA, qui profiteraient le plus des nouvelles règles : ils disposent en effet des électeurs les plus fidèles, des gens qui iront voter même s’ils n’y sont pas forcés et renforceront donc leur parti respectif. De nombreux politologues flamands sont par ailleurs très critiques. Ainsi Karen Celis de l’Université flamande de Bruxelles : "Les plus faibles ne se déplaceront plus. Les jeunes non plus parce qu’ils n’auront pas pris l’habitude de se rendre aux urnes. La politique perdra encore un peu plus le contact avec une partie de la population alors que la déconnexion est déjà si préoccupante."
Lors de mon micro-trottoir à Malines, j’ai moi aussi constaté que ce sont surtout les personnes déjà en marge de la société qui resteront à la maison le 13 octobre, jour des élections communales et provinciales : une octogénaire qui a du mal à se déplacer, la maman d’une enfant handicapée qui estime que les politiques ne font rien pour elle ou encore une dame seule qui ne trouve que quoi qu’on vote, les politiciens forment toujours la coalition qui leur convient à eux et pas au pays. Bref, ceux qui sont déjà sans voix risquent d’en avoir encore moins en désertant l’isoloir.