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Surpopulation carcérale: près de 200 détenus dorment à même le sol dans les prisons belges

La surpopulation carcérale atteint des records, entrainant une dégradation désastreuse des conditions de détention. Explications. 

 

"La surpopulation carcérale demeure un problème majeur, aggravé par une pénurie de personnel. Au 1er décembre 2023, le taux de surpopulation des établissements pénitentiaires belges avait atteint 12,20 %, avec 178 personnes dormant à même le sol. À la fin du mois de janvier 2024, la population pénitentiaire a dépassé le seuil dramatique et jamais atteint de 12 000 détenus, alors que la capacité carcérale était de 10 700 places", indique le rapport annuel du Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP). 

Dans son rapport annuel 2023 présenté ce lundi 9 septembre, le CCSP s'est particulièrement intéressé au service minimum dans les prisons pendant les grèves. Il relève que même en temps normal, "certaines prisons n'ont pas le nombre d'agents prévus par les plans de personnel opérationnels en vue d'assurer les services essentiels".

Service minimum 

Le service minimum dans les prisons a été instauré par la loi du 23 mars 2019. Cette dernière prévoit notamment que l'on puisse, si besoin, réquisitionner du personnel quand le mouvement dépasse les 48 heures. Le CCSP note que les mouvements de grève "sont moins nombreux, moins longs" et "moins lourds de conséquences pour les détenus" qu'ils ont pu l'être avant cette loi.

On a ainsi répertorié 18 jours de grève (hors mouvements d'humeur, débrayages spontanés et grèves émotionnelles) et aucun mouvement n'a duré plus de 48 heures. Mais les personnes détenues "en sont toujours les premières victimes collatérales" et, selon le CCSP, la loi est "défaillante et insuffisante" pour respecter les droits élémentaires et la dignité des personnes détenues en toutes circonstances.

L'intégrité physique - autant que psychologique - des personnes détenues est atteinte

Fort de trois visites menées l'an dernier dans des établissements pénitentiaires en grève (Merksplas en juin, Saint-Gilles et Nivelles en septembre), le Conseil a constaté que "l'intégrité physique autant que psychologique des personnes détenues sont atteintes (...)", la plupart d'entre elles restant confinées en cellule 24 heures sur 24.

Un cercle vicieux

Un constat qui ne surprend pas l'organe de surveillance, étant donné le manque d'effectifs au sein du personnel pénitentiaire, même en temps normal. En janvier 2023, il manquait ainsi 200 équivalents temps plein pour remplir le cadre prévu par la loi de 2018. À cela, s'ajoute la surpopulation carcérale "en nette croissance en 2023".

"Le cercle vicieux continue dès lors à s'auto-alimenter : les agents en service doivent effectuer des heures supplémentaires pour se consacrer à des tâches qui augmentent au gré de la surpopulation et ces heures supplémentaires alimentent proportionnellement les arriérés de congés et provoquent un nombre toujours croissant d'absences", pointe le Conseil.

Un système "défectueux"

Dans les chiffres, la surpopulation carcérale a continué sa croissance entamée après la pandémie, pour atteindre un pic en mars 2024 (12.399 détenus), avant l'entrée en vigueur du "congé pénitentiaire prolongé surpopulation". Ce congé n'a d'ailleurs qu'un résultat limité avec seulement 29 détenus en moins, constate le rapport. Le nombre de détenus atteint désormais 12.419 personnes pour 10.969 places, a précisé le CCSP lundi. La surpopulation carcérale s'élève donc à 13%.

De nombreux détenus ont dû passer la nuit sur un matelas au sol en 2023

En 2023, la population quotidienne moyenne était de 11.486 détenus, soit une augmentation de près de 4% par rapport à la population quotidienne moyenne en 2022. Près de 900 places ont été créées en 2023, mais elles ne compensent pas la surpopulation, qui atteignait donc 12,2%. En conséquence, "de nombreux détenus ont dû passer la nuit sur un matelas au sol en 2023". Ils étaient 216 fin décembre à dormir dans ces conditions.

J'appelle les responsables politiques à agir sans délai, car les conséquences d'une inaction seraient désastreuses

Le CCSP constate que le système pénitentiaire "reste défectueux" et que l'impact des grèves devient de plus en plus difficile à gérer face à cette surpopulation carcérale "préoccupante". "Ces thèmes démontrent l'importance et l'urgence d'une réforme profonde du système pénitentiaire", a souligné le président du Conseil Marc Nève lors de la présentation du rapport. "J'appelle les responsables politiques à agir sans délai, car les conséquences d'une inaction seraient désastreuses pour les détenus et la société dans son ensemble."

L'organe considère notamment que l'exécution des peines de deux ans ou moins contribue à la hausse de la surpopulation carcérale. Il recommande de promouvoir une application plus large des peines alternatives.

Certains points à nuancer

Le ministre démissionnaire de la Justice Paul Van Tigchelt salue "la qualité indéniable" du rapport mais regrette qu'il présente certains points négatifs comme des généralités, notamment au sujet de l'accès à la téléphonie en cellule pour le maintien des relations sociales et le reclassement des détenus. Il pointe aussi du doigt l'analyse "très négative" de la question des grèves en milieu carcéral. Des progrès sont nécessaires, mais le service minimum fait désormais l'objet d'une attention accrue et il est "exceptionnel" qu'une action dépasse les 48 heures, explique-t-il.

Le ministre constate que le rapport n'évoque pas l'élaboration par son administration d'une procédure "d'incident critique" qui vise à en minimiser les conséquences. Pour l'année 2024, le thème central des comités de surveillance du CCSP est la santé mentale et sa prise en charge en prison.

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