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Un député du Paraguay, membre du parti conservateur au pouvoir, a été abattu lundi dans un échange de tirs avec la police antidrogue qui intervenait à son domicile à Pedro Juan Caballero (nord-est), a annoncé la police.
Les agents engagés dans cette opération "ont été repoussés par des coups de feu et ont riposté, blessant mortellement le parlementaire" Eulalio Gomes aux premières heures de lundi, a déclaré à la presse à Asuncion le chef de la police, le commissaire Carlos Benitez.
Il a souligné que les policiers n'avaient pas prévu d'interpeller l'élu, qui jouissait de l'immunité parlementaire mais de récupérer à son domicile des documents liés à une enquête sur du blanchiment en rapport avec le trafic de drogue.
Un document du parquet, daté de lundi, mettait formellement en cause le député, son fils, ainsi que trois autres personnes, et ouvrait la voie aux perquisitions, a précisé M. Benitez.
Dans un raid distinct, à son domicile, le fils du député, Alexandre, visé par un mandat d'arrêt, a lui aussi lundi échangé des tirs avec la police, avant de s'enfuir puis de se livrer quelques heures plus tard.
Une "enquête interne" est en cours sur les circonstances de la "confrontation", a souligné M. Benitez sur la chaîne de télévision ABC-Vivo.
La Chambre des députés a décrété trois jours de deuil et des députés ont dénoncé l'intervention de la police, demandant la démission du ministre de l'Intérieur Enrique Riera.
M. Gomes "était sous le coup d'une enquête pour blanchiment d'argent et trafic de drogue", a rappelé celui-ci.
-"Liens inquiétants"-
Eulalio Gomes, comme son fils, était mis en cause dans une enquête portant sur des liens présumés avec le narcotrafic, prégnant au Paraguay, un pays enclavé entre Bolivie, Argentine et Brésil et aux frontières poreuses propices aux trafics.
En mai 2022, le maire de Pedro Juan Caballero, Jose Carlos Acevedo, avait été tué par balle par des inconnus. Quatre mois plus tard, c'est un journaliste radio de 33 ans qui avait été abattu dans la même ville, par deux hommes à moto.
Le Paraguay, un pays agro-exportateur à l'enviable prospérité en Amérique latine (3,8% de croissance prévus pour 2024), mais pétri d'inégalités, est aussi sous influence croissante du trafic de drogue et gangréné par la corruption.
Il est classé 136e sur 180 pays par l'ONG Transparency International qui se fonde sur l'indice de perception de la corruption.
"Les liens entre le trafic de drogue et la politique sont chaque jour de plus en plus inquiétants", a déclaré à l'AFP le criminologue Juan Martens, criminologue à l'Université nationale d'Asuncion. "Des informations existent sur des maires, des conseillers municipaux, des responsables politiques de villes de l'intérieur du pays, qui sont soupçonnés".
Santiago Peña, 45 ans, élu l'an dernier président du Paraguay sous la bannière du parti Colorado, a promis de lutter contre la corruption. Mais son mentor en politique -et toujours président du parti Colorado- est l'ex-président Horacio Cartes (2013-2018), depuis 2022 sous le coup de sanctions américaines pour "corruption" et interdit d'entrée et de transactions aux Etats-Unis.