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"Je n'avais pas le caractère pour passer à travers toutes ces années, je me suis laissé porter par les évènements": Alain Chamfort, le plus élégant des chanteurs pop français, réussit un grand retour avec "Le désordre des choses" pour ses 50 ans de carrière.
A force de se faire discret, on finirait presque par l'oublier. Mais heureusement, la force gravitationnelle de sa musique audacieuse et stylée remet à peu près tous les quatre ans Alain Chamfort sous la lumière. Quitte à l'embarrasser un peu...
Pour ce qui est de son 15e opus studio à paraître vendredi, hors de question de mettre le holà sur le halo, tant il s'impose comme l'un de ses meilleurs, porté par des compositions pop-électro particulièrement inspirées sur lesquelles s'est posée la plume délicate de Pierre-Dominique Burgaud. Ensemble, ils avaient réalisé en 2010 l'excellent album concept "Une vie Saint Laurent".
"Je prends mon temps pour faire des albums. Quand on veut trop produire, automatiquement on se répète, ou alors on ne prend pas la peine de maturer les choses", dit-il à l'AFP.
Le temps, celui qui passe, est au centre de "Microsillons", le titre épuré qui ouvre le disque sous une lumière crépusculaire. La fin dès le début en somme, comme le suggère "Le désordre des choses".
"Quand on avance en âge, il y a un phénomène d'accélération, de précipitation, observe l'artiste de 69 ans. Si je repense aux 15, 20 dernières années, je me dis que c'est passé super vite. Mais si je me projette, ça va être encore plus rapide. Donc ces questionnements, qui ne sont pas non plus des angoisses, viennent plus régulièrement qu'avant."
"Les microsillons ce sont aussi ceux des disques vinyles, poursuit-il. Et donc par extension le chanteur, le musicien. La question de l'âge se pose aussi sur cette activité qui est plus associée à la jeunesse. C'est un métier où l'apparence n'est pas négligeable."
- "En recherche d'équilibre" -
Parlons-en de l'apparence, puisque le dandy parfois légèrement gêné aux entournures s'amuse à jouer avec son image dans le clip d'"Exister", où on voit des extraits de ses apparitions télévisées de la fin des années 60 à nos jours.
"Je ne ressens pas de nostalgie quand je me revois, parce que je n'étais pas vraiment à ma place. Surtout au début où j'étais trop dans la reproduction d'influences, notamment de Claude François. Je n'avais pas la nature pour ça, donc j'étais un peu mal à l'aise. Et puis je n'ai jamais eu la sensation d'être bien dans mon corps. Il y a des gens bien sur leurs deux pieds, moi j'ai toujours été en recherche d'équilibre", confie-t-il.
De cette période auprès de "Clo-Clo", dont il était un des compositeurs avant que celui-ci lui produise ses premiers disques, Alain Chamfort garde le souvenir "d'un type qui était acharné sur sa propre réussite, frappé d'une obsession un peu maladive. Ca n'a pas vraiment déteint sur moi, même si c'était fascinant à vivre".
Jacques Dutronc, dont il était le clavier à 17 ans, Dick Rivers, qui l'hébergea pendant mai 68 et pour lequel il composa certains titres de l'album culte "L'?", Serge Gainsbourg qui lui écrivit son tube "Manureva": "tous ont à leur manière contribué à me donner un bon exemple. J'ai pu les observer", affirme Alain Chamfort.
"J'ai eu pas mal de chance. Ces rencontres m'ont à chaque fois aidé à franchir les étapes. Tout seul je ne suis pas convaincu que j'aurai eu le même parcours", soutient-il.
"La musique c'est ma part à moi, je le sais bien. Mais le talent, par rapport au hasard, à l'intuition, quelle est sa part réelle ? C'est difficile d'y répondre. Et plus j'avance, moins je sais".