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Longtemps protégés par une base américaine voisine de leurs villages, les habitants du district d'Achin, dans l'est de l’Afghanistan, redoutent la menace des talibans et du groupe Etat islamique depuis le retrait des troupes étrangères.
"Quand les Américains étaient là, il y avait des drones qui volaient 24 heures par jour", se souvient Kameen Khan, qui vit près d’une ancienne base américaine. "Il n’y avait pas de talibans ou d’Etat islamique."
Mais "dans les mois qui ont suivi leur départ", les deux groupes insurgés "ont redémarré leurs activités", explique-t-il à l’AFP.
Des dizaines de membres des forces spéciales américaines étaient déployés à Achin et à Haska Mina, un autre district de la province du Nangarhar, pour combattre l’EI, qui s’était établi dans la zone en 2015.
Pendant des années, les jihadistes de l'Etat islamique ont terrorisé la province, allant jusqu’à décapiter des habitants, ou à les forcer à s'asseoir sur des bombes avant de les faire exploser. Ils ont aussi détruit des cliniques et forcé des écoles à fermer.
L’arrivée des Américains a donc été pour beaucoup un vrai soulagement, avec une baisse significative des attaques alors que drones et avions pilonnaient les extrémistes.
Le Pentagone a alloué d'importantes ressources pour libérer la zone. Washington a notamment largué en 2017 la plus puissante de ses bombes non nucléaires, "la mère de toutes les bombes" (MOAB), sur un réseau de souterrains et de grottes de l'EI.
"La sécurité s’est améliorée. Les gens étaient contents", affirme Rizwanullah Basharmal, le gouverneur d’Haska Mina.
Selon Haji Gul Shinwari, un habitant d'Achin, la présence américaine avait permis aux agriculteurs de retourner cultiver leurs champs.
"Mais depuis leur départ, nous ne pouvons plus sortir la nuit, car nous avons peur que les talibans ou l’EI ne reviennent", déplore-t-il.
- Fermeture de mines -
La présence des troupes américaines avait aussi stimulé le commerce, et apporté la stabilité nécessaire au développement d’industries telle que celle du talc.
Aujourd’hui, plusieurs mines des environs ont fermé, selon Hayatullah, dont les proches participaient à l'extraction de ce minéral utilisé dans des produits allant de la poudre pour bébé à la peinture.
"Pendant des années, des commerçants sont venus ici investir dans les mines, mais quand les forces américaines sont parties, ils sont partis aussi", regrette Hayatullah qui, comme de nombreux Afghans, n’utilise qu’un seul nom.
Le retrait des troupes américaines est une promesse phare du président Donald Trump, dont l’administration a signé en février un accord avec les talibans à cet effet, contre de vagues promesses des insurgés.
Le texte entérine le départ des troupes étrangères du pays d’ici mi-2021. En échange, les talibans doivent notamment empêcher les groupes jihadistes transnationaux tels qu’Al-Qaïda et l’EI d’opérer en Afghanistan.
La semaine dernière, M. Trump a même tweeté que toutes les forces américaines en Afghanistan "devraient" être rapatriées "d’ici Noël".
Les troupes américaines ont commencé à évacuer les bases d'Achin et de Haska Mina en novembre 2019, lorsque Kaboul a déclaré sa victoire contre l’EI dans la province. Les retraits ont été achevés respectivement en mai et juillet.
- Capacités limitées -
Lors de récentes visites sur les lieux, l'AFP pouvait encore voir des drapeaux des Etats-Unis et des emblèmes de l’armée américains peints sur les murs.
Les forces afghanes sont aujourd’hui en charge de la totalité de la base. Mais elles avouent êtres limitées.
"Les forces américaines avaient des équipements modernes comme des drones et contrôlaient la zone depuis le ciel", observe le premier lieutenant Hashmatullah, qui dirige environ 60 hommes sur la base d'Achin. "Malheureusement, nous n’avons pas ces capacités".
Malgré tout, les attaques n’ont selon lui qu'augmenté légèrement, quand les villageois témoignent au contraire d'une hausse importante de leur nombre.
"Il y a toujours pour nous la menace de l’EI, car les forces afghanes ne sont pas assez fortes ou bien équipées pour défendre le pays", se lamente Abdul Qadir, un habitant d'Achin, pour qui le départ américain a été bien trop précipité.