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L'enquête sur l'assassinat du petit Grégory Villemin, toujours pas élucidé 36 ans après les faits, a peut-être trouvé un nouveau souffle mercredi avec de nouvelles demandes d'expertises ADN formulées par les parties civiles, quelques semaines après l'audition de plusieurs témoins.
"Nous avons soumis à la chambre de l'instruction (de la Cour d'appel de Dijon, où est instruit le dossier) différentes demandes à caractère scientifique", a déclaré à l'AFP Me Thierry Moser, l'un des avocats des parents de Grégory, Christine et Jean-Marie Villemin.
Selon une source proche du dossier, les demandes portent notamment sur "une recherche d'ADN de parentèle" ainsi que sur la possibilité, à partir de matériel génétique, de dresser le "portrait robot" d'une personne, par exemple "la couleur des cheveux, des yeux".
La recherche en parentèle, qui compare un ADN avec d'autres susceptibles d'être issus de la même parenté, avait été employée avec succès en 2012 dans le dossier Élodie Kulik, violée et assassinée dix ans plus tôt.
Selon cette même source, les investigations pourraient être menées à partir de l'ADN déjà présent dans le dossier, comme celui décelé "sur des timbres, sur des vêtements ou sur les cordelettes" utilisées pour ligoter le petit garçon. Des prélèvements peuvent également être effectués sur des acteurs du dossier.
Alors que les précédentes expertises génétiques diligentées n'avaient rien donné, les parties civiles fondent à nouveau leurs espoirs sur l'ADN, souvent qualifiée de "reine des preuves".
- "Procès criminel" ? -
"Nous pensons que ces investigations scientifiques sont de nature à faire avancer très, très fortement" le dossier, a estimé Me Moser. "Nous sommes raisonnablement optimistes sur l'éventualité d'un procès criminel dans deux ou trois ans".
Thierry Pocquet du Haut-Jussé, procureur général de Dijon, a confirmé l'audience sur les demandes d'actes tenue mercredi et a précisé que la décision "devrait être rendue fin janvier".
Ces annonces interviennent le même jour que les révélations du quotidien Le Parisien/Aujourd'hui en France sur de nouvelles auditions de témoins par la justice et sur un rapport de stylométrie, discipline qui permet d'identifier le style d'un texte. Celui-ci "incrimine un suspect", sans que son nom soit précisé.
Autant d'éléments pouvant "relancer l'enquête", selon le quotidien.
"Le président de la chambre de l'instruction a procédé depuis quelques semaines à des auditions dans ce dossier", a confirmé à l'AFP le procureur général de Dijon.
Toutefois, l'expertise de stylométrie "n'est pas à ce jour versée au dossier", a-t-il ajouté. Selon Le Parisien, elle doit l'être "dans les prochaines semaines".
D'autres auditions sont prévues, dont celles d'"enquêteurs" ou de "journalistes" ayant travaillé sur le dossier, affirme Le Parisien.
"Il y aura de nouvelles mises en examen, c'est certain", a confié au journal "une source qui a travaillé sur l'enquête".
Réalisée par un laboratoire suisse, l'expertise de stylométrie visait à démasquer le ou les corbeaux ayant rédigé plusieurs courriers anonymes manuscrits adressés aux parents de Grégory, dont la lettre de revendication de l'assassinat.
- "Prudence" -
Ces révélations ont été accueillies avec scepticisme par plusieurs avocats du dossier.
"C'est ridicule (...) Rien de nouveau sous le soleil", a balayé Me Stéphane Giuranna, avocat de Marcel Jacob, le frère de la grand-mère décédée de Grégory, Monique Villemin.
"Nous sommes très surpris qu'on nous sorte (ce) rapport ordonné il y a plus de deux ans et demi", a renchéri Me Alexandre Bouthier, conseil de Jacqueline Jacob, l'épouse de Marcel.
Le couple de septuagénaires avait été un temps mis en examen en 2017 pour "enlèvement et séquestration suivie de mort", mais la justice avait annulé ces mises en examen.
Pour Me Giuranna, "il ne faut pas escompter grand chose" des témoins, dont "plusieurs milliers ont déjà été entendus". Rien à attendre non plus de l'expertise stylométrique: "l'ensemble des protagonistes de l'affaire habitent" dans le même secteur où "ils ont fréquenté les mêmes écoles" et sont "tous issus du même milieu socio-professionnel".
"Prudence, cette affaire a fait assez de victimes", a estimé Me Gérard Welzer, avocat de Marie-Ange Laroche, veuve de Bernard Laroche, abattu en 1985 par Jean-Marie Villemin. Dans un tel dossier, il faut "quelque chose de très solide, comme de l'ADN", a-t-il estimé.
Fait divers emblématique du XXe siècle survenu dans les Vosges sur fond de haines familiales, l'assassinat de Grégory, retrouvé mort le 16 octobre 1984 dans la Vologne, n'a jamais été résolu.