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Il voulait être celui qui "écrit avec la lumière". Le photographe franco-iranien Abbas, pilier de l'agence Magnum, décédé mercredi à Paris à l'âge de 74 ans, était un "citoyen du monde" interpellé par les religions.
Biafra, Bangladesh, Vietnam, Moyen-Orient, Chili, Afrique du Sud au temps de l'apartheid... Abbas Attar avait couvert de multiples conflits et révolutions au sein de la prestigieuse agence Magnum qu'il avait intégrée en 1981 après avoir travaillé pour ses concurrentes Sipa et Gamma.
"Iranien transplanté à Paris, Abbas était un citoyen du monde qu'il ne cessait de documenter, avec ses guerres, ses désastres, ses révolutions et ses soulèvements", pour Thomas Dworzak, actuel président de Magnum, une fonction qu'Abbas a lui-même occupé à la fin des années 90. Il était le "parrain de toute une génération de jeunes photojournalistes", ajoute-t-il sur le site de l'agence.
Abbas était "un grand monsieur et un des meilleurs photographes que j'ai connus", a écrit sur Twitter Jean-Francois Leroy, directeur du festival Visa pour l'image de Perpignan.
"Abbas était un grand parmi les grands. Son œuvre est considérable et couvre tant de domaines", a affirmé également sur Twitter Pierre Haski, grand reporter et président de RSF.
Si le photographe a parcouru la Terre à feu et à sang, une des grandes affaires de sa vie fut de comprendre, et faire comprendre, les grandes religions de la planète, combinant expositions et livres. Une interrogation qui trouve son origine dans la révolution islamique qu'a connu son pays et qu'il va couvrir de 1978 à 1980 avant de s'exiler pendant 17 ans.
- De l'islamisme à l'hindouisme -
"C'est quelqu'un qui avait de grands projets documentaires très engagés, et dans la durée", explique à l'AFP l'historienne de la photographie Clara Bouveresse, auteur d'un ouvrage de référence sur l'agence Magnum.
"Son livre sur la révolution iranienne en 1980 était une façon de raconter cet événement en détail avec une séquence, une narration, c'était quelqu'un pour qui la façon d'organiser les images, de les séquencer comptait énormément", souligne-t-elle.
Abbas s’est ensuite naturellement intéressé de 1987 à 1994 à la montée de l’islamisme à travers le monde (il publie "Allah O Akbar : un voyage dans l'Islam militant"), avant de se concentrer sur le christianisme en 2000, puis sur l'animisme, le bouddhisme (2008 à 2010) et l'hindouisme (2013).
"Pour lui, le travail du photographe ne s'arrêtait pas au moment où il appuie sur l'obturateur il se poursuit dans la sélection des images, la relecture de l'œuvre et dans la production d'un récit", ajoute Clara Bouveresse.
Une approche quasi-littéraire qu'Abbas a aussi mise en oeuvre en sillonnant le Mexique, entre 1983 et 1986. L'occasion pour lui de tenter de décrire les contradictions de ce pays à la manière d'un romancier, en s'attachant aux questions sociales et à la vie quotidienne des habitants.
En tant que président de Magnum à la fin des années 90, "il s'était aussi engagé pour que cette coopérative fonctionne en tant qu'entreprise, qu'institution", rappelle encore l'historienne. "Il a beaucoup travaillé récemment, avant sa mort, pour que les archives de l'agence, le patrimoine de Magnum soit préservé".