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Cette semaine, dans son dossier royal, Patrick Weber se penche sur la monarchie japonaise et ses changements.
D’où viennent les empereurs du Japon ?
Sur les portes de bois qui marquent l’entrée du sanctuaire Yasukini-Jinja se découpent deux larges fleurs de chrysanthème. La fleur sacrée qui symbolise la monarchie dans l’empire du Soleil Levant. Aujourd’hui, le temple qui honore toutes les victimes japonaises tombées pendant les guerres fait l’objet de vives polémiques parce que certains en ont fait le haut lieu du nationalisme et d’une forme de révisionnisme nippon.
Non loin de là se situe le palais impérial, résidence d’un empereur qui se tient bien à l’écart de ces débats en se cantonnant à son rôle purement représentatif. A titre d’exemple, il jouit de moins de prérogatives que le roi Philippe mais il puise sa légitimité dans vingt-six siècles d’histoire impériale. Et pourtant, cet empereur, vieux et malade, vient de remporter une grande victoire. Il pourra bientôt se retirer.
L’empereur du Japon peut abdiquer
Le parlement a lancé une procédure exceptionnelle. A 82 ans, le souverain japonais aspire à une retraite bien méritée, même si le monde politique ne l’entend pas de cette oreille. Mais il lui faudra attendre un peu, au Japon chaque changement d’empereur correspond à une nouvelle ère. Bref, il va falloir refaire tous les calendriers et agendas. Un sacré boulot !
Quoiqu’il en soit, il sait qu’il peut compter sur la présence fidèle de son épouse dont il est proche, comme au premier jour. Pour les avoir observés, on sent entre ces deux êtres une proximité et une tendresse des plus émouvantes. La vie de Michiko n’a pourtant pas toujours été aussi sereine. Dans sa jeunesse, elle a été l’une des plus jolies femmes de la capitale et par conséquent, un parti très convoité. C’est à la faveur de leur goût commun pour le tennis qu’elle rencontre et tombe sous le charme du prince héritier. Hélas, la haute société japonaise accepte mal un mariage inégal avec une roturière et il faudra toute la force de conviction du prince éperdument amoureux pour imposer son choix. Pour les deux tourtereaux impériaux, c’est le début d’une belle et longue histoire mais aussi de nombreux obstacles qu’ils auront à affronter ensemble.
L’impératrice malheureuse et amoureuse
L’impératrice fut longtemps prisonnière de son palais. Michiko a longtemps souffert d’être recluse dans un palais impérial qui ressemble d’avantage à une prison dorée qu’à une demeure de conte de fées. Elle rêve de pouvoir se promener, à sa guise, dans les rues de Tokyo, d’Osaka ou de Kyoto mais elle sait que cela ne sera jamais possible. Elle se console auprès de sa famille et en se consacrant à ses passions secrètes, telles le jardinage ou le travail de la soie. Pour autant, la pression de la terrible Agence Impériale qui régente les moindres faits et gestes au palais se fait souvent trop forte. Les contraintes sont telles que l’impératrice finit même par devenir aphasique. L’épreuve est terrible pour l’empereur qui se sent responsable du malheur de l’être qu’il aime le plus au monde. A force de patience, Michiko retrouvera goût à la vie mais cette épreuve restera à jamais gravée dans sa chair.
La princesse Masako sera-t-elle une bonne impératrice ?
Quelques années plus tard, l’histoire se répète lorsqu’il est question du mariage du prince héritier Naruhito. Le jeune homme refuse toute idée de mariage arrangé, d’autant plus que son cœur bat pour une jeune diplomate à la carrière prometteuse. Elle s’appelle Masako et elle est également éprise de son prince charmant. Pour autant, elle choisit de lui résister, tant elle sait que la vie au plais impérial peut se métamorphoser en cauchemar. Masako est une femme moderne et ambitieuse qui ne se voit pas passer le reste de sa vie derrière les murailles épaisses d’un palais. Le destin d’un oiseau en cage, très peu pour elle !
Naruhito est au désespoir mais il finit par réussir à convaincre sa belle. Le mariage est célébré, au grand déplaisir de l’Agence Impériale qui se méfie de cette femme trop libre et trop moderne pour une institution réputée intangible. C’est le début d’une véritable partie de bras de fer qui s’engage entre la jeune princesse et l’inflexible administration. Et bien sûr, ce n’est pas Masako qui en sortira vainqueur. Tout lui est reproché : ses goûts, ses envies, ses idées… et surtout le fait qu’elle ne réussisse pas à donner un héritier à la couronne !
L’empereur sans héritier
Au fil des années, la jeune princesse Masako sombre dans une terrible dépression qui fait craindre pour sa vie. Pour ses détracteurs, il apparaît clairement qu’elle n’est pas à la hauteur de la situation. Sacrilège suprême, elle ne réussit qu’à donner le jour une petite fille et non l’héritier tellement attendu. Pour ne rien arranger, sa belle-sœur finit par donner naissance à un petit garçon. Le futur de l’empire est enfin assuré !
L’affaire Masako prend des allures de scandale national. Dans l’ombre, Naruhito se bat pour défendre son épouse qui s’efface, s’éteint et se fane de plus en plus derrière les rideaux de soie des scènes officielles. Avec le temps, l’aide des médecins et beaucoup de patience, Masako semble reprendre peu à peu goût à la vie. Lors de cette visite d’état, elle nous est apparue plus sereine, même souriante. Mais beaucoup songent avec appréhension au jour où il lui faudra assumer le rôle d’impératrice, aux côtés d’un empereur sans héritier direct. Rien ne dit qu’elle pourra tenir le choc d’une vie en perpétuelle représentation codifiée. Une rechute est toujours à craindre et son époux en mesure tout le danger.
Par Patrick Weber
Chroniqueur royal RTL