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Via un simple numéro de téléphone, il est possible de souscrire à un abonnement pour des jeux vidéo en illimité sur un smartphone. Le prix du service est intégré à la facture de l'opérateur, ce qui peut parfois passer inaperçu. Soumaya s'est rendu compte de ce qui est visiblement un bug: elle ne s'est jamais inscrite à la plateforme Gamifive, à 9,99€… par mois ! Nous avons mené l'enquête.
Le jeu vidéo mobile a explosé ces dernières années, parallèlement à l'adoption massive des smartphones dans nos régions. Il en existe des milliers sur les magasins d'applications d'Android (Google Play Store), iOS (App Store) et Windows Mobile (Windows Market).
S'il y en a autant, c'est parce que l'éditeur espère gagner de l'argent. Il peut le faire d'une manière traditionnelle, en faisant payer quelques euros pour le téléchargement de l'application. Mais la monétisation a tendance à devenir plus vicieuse, avec les achats dit 'in-app': le jeu est gratuit au téléchargement, mais pour en profiter pleinement, pour avancer dans les niveaux ou pour avoir plus d'options, il faut payer.
Il existe une troisième option pour jouer à des petits jeux vidéo sur son smartphone: des jeux dits 'en streaming', accessibles en illimité contre le paiement d'un abonnement. Une formule un peu moins limpide pour l'utilisateur (on vous avoue qu'on a du mal à y trouver un intérêt financier ou ludique, voir plus bas), et qui n'est pas exempte de bug, en plus. Soumaya est victime actuellement d'un imbroglio étonnant: "Base me facture un supplément de 9,99€ pour un abonnement que je n’ai jamais souscrit", nous a expliqué cette jeune Bruxelloise, après avoir contacté la rédaction de RTL info via
La version 'desktop' de Gamifive
C'est quoi, Gamifive ?
Soumaya a appris par hasard qu'elle était abonnée à Gamifive, un service qui se définit lui-même comme "une plateforme de plus d’une centaine de jeux (...), accessible depuis l’url www.gamifive.be depuis un smartphone".
Pour faire simple: ce sont des jeux 'web', écrits en HTML5 (le même langage informatique qu'un site web), et auxquels on accède via le navigateur d'un smartphone, d'une tablette ou d'un ordinateur.
Gamifive est l'une des marques de l'entreprise italienne Buongiorno, qui édite une multitude de services dans le domaine du paiement et des applications mobiles. Cette société appartient elle-même à NTT Docomo, qui n'est autre que l'opérateur mobile N.1... au Japon. Bref, c'est le fruit de l'actuelle convergence que l'on constate un peu partout: les opérateurs ne se contentent plus de fournir des accès à des contenus (via la télévision, la téléphonie ou l'internet), mais s'investissent dans la production de ces contenus.
Le mode de fonctionnement de Gamifive est assez particulier. La marque a conclu des accords avec les opérateurs belges (Proximus, Orange et Base), pour que l'abonnement demandé soit intégré à la facture GSM. Au lieu de payer directement à Gamifive, le joueur règle la note via son opérateur, qui se prend au passage une petite commission, on l'imagine aisément (mais ça reste confidentiel).
Les tarifs sont assez élevés, et à moins d'être un très grand consommateur de petits jeux vidéo, ce n'est pas la meilleure affaire du marché. C'est 3,99€ par semaine chez Proximus et Orange, et 9,99€ par mois chez Base...
Quant au catalogue, il est certes généreux (+ de 110 jeux), mais on a affaire à de pâles copies des succès que l'on retrouve sur les traditionnels magasins d'applications de Google et Apple: 'Candy Connect' ou 'Candy Monsters' qui tentent d'imiter l'indétrônable Candy Crush Saga, 'Fruit slicer' qui s'inspire du célèbre Fruit Ninja. Bref, à notre avis, rien qui ne justifie 4€ par semaine...
Le début de la procédure d'abonnement que nous a envoyée Base
"Je n'avais jamais entendu parler de Gamifive"
Le 11 novembre dernier à 21h50, Soumaya nous affirme que son smartphone, un vieil iPhone 4, était dans son tiroir. C'est pourtant à ce moment-là qu'elle aurait souscrit à l'abonnement proposé par Gamifive, et qui lui est donc facturé, comme on l'a expliqué, via son opérateur Base.
"Je m'en suis rendue compte en consultant mon application Base, j'ai vu qu'on me facturait un supplément de 9,99€. Après avoir appelé le service clientèle, j'ai appris qu'il s'agissait de Gamifive".
Or la jeune Bruxelloise n'a jamais entendu parler de ce service. "Je ne connaissais pas ce site, je ne joue jamais à des jeux vidéo sur mon smartphone, d'ailleurs je n'ai même pas internet dessus, car il est trop vieux. C'est un smartphone de 8GB, je ne sais même plus faire de mises-à-jour ni télécharger d'application. Je m'en sers uniquement pour le téléphone et les SMS".
La mauvaise blague ? Peu probable..
Pour s'abonner à Gamifive, via le site Gamifive.be, il y a un processus d'inscription en plusieurs étapes. Il faut d'abord entrer son numéro de téléphone, puis s'inscrire avec adresse email via le lien envoyé par SMS. Il faut également indiquer clairement qu'on accepte d'être facturé de 9,99€ par mois via la GSM.
C'est donc peu probable que quelqu'un ait fait une mauvaise blague à Soumaya, en l'inscrivant à son insu. "Je n'ai pas d'enfant, et il faut un code pour déverrouiller mon téléphone", nous a-t-elle confirmé.
L'abonnement n'existe nulle part... sauf sur la facture de Soumaya
Le fameux bug, sans doute
Nous avons contacté les deux acteurs principaux de cette étrange histoire: Base et Gamifive. L'opérateur nous a confirmé, comme il l'a fait à plusieurs reprises auprès de Soumaya, qu'elle était effectivement abonnée. Dans un document que Soumaya nous a fait parvenir, on a la confirmation de la date: 11 novembre 2016, 21h52, inscription au service 'GamifiveM-S'.
Là où l'affaire se corse, c'est quand Soumaya contacte Gamifive pour demander des explications sur cette inscription mystérieuse, et pour l'annuler. "Ils m'ont répondu qu'il n'avait aucun abonnement lié au numéro de téléphone chez eux. Je leur ai dit que mon opérateur disait que j'étais inscrite, mais ils ne voient rien".
Nous sommes parvenus à joindre le service clientèle de Buongiorno France, qui est responsable de l'utilisation de Gamifive en Belgique. Ils nous ont confirmé que personne n'était inscrit avec le numéro de téléphone de Soumaya, ni avec son adresse email.
La bonne vieille hypothèse du "bug" est donc la dernière...
"Le dossier n'est pas clos"
Mais Buongiorno tient à montrer patte blanche. "Nous avons une charte déontologique pour nos abonnements, elle est réglementée et mise en place avec les opérateurs. On ne peut pas s'abonner à son insu: il y a 3 étapes et une confirmation par SMS".
Le service clientèle nous a affirmé que "le dossier n'était pas clos: nos équipes techniques effectuent des recherches complémentaire". Suite à notre appel, l'entreprise a proposé "exceptionnellement le remboursement de la somme de 9,99€" à Soumaya.
De son côté, Base nous a précisé que "le service clientèle était en contact avec Soumaya" pour essayer d'identifier la source du problème.