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Des riverains s'opposent à la reconstruction d'une église à Etterbeek: "Cette place est un lieu de convivialité et de rencontres"

La nouvelle église Ste-Gertrude va-t-elle voir le jour? Telle est la volonté de la Fabrique d'Eglise dont la mission est de veiller à l'entretien et à la conservation des temples en Belgique. Un permis de construire a été établi dans ce sens. Mais depuis plusieurs années, quelques riverains rassemblés sous un collectif s'opposent fermement à ce projet. Ils craignent de voir disparaître leur place, devenue au fil des années, un lieu de quiétude où ils aiment se retrouver. Plusieurs d'entre eux nous alertent via le bouton orange Alertez-nous.

Une façade en briques rouges, une tour rectangulaire, quatre cloches imposantes. À la fin du 19e siècle, l'église Sainte-Gertrude est bâtie et domine alors la place Van Meyel à Etterbeek. En 1972, une violente tempête entraîne d'importants dégâts à la flèche du clocher. Démontée, elle ne sera jamais reconstruite. Près de 20 ans plus tard, en 1993, une fuite d'eau provoque un glissement de terrain sous l'église. Des fissures apparaissent et le risque d'effondrement est réel. Conséquence: les autorités décident de démolir l'édifice pour des raisons de sécurité. 

 

Bordée d'arbres, un bout de pelouse et quelques bancs... La place sur laquelle trônait fièrement l'église Sainte-Gertrude devient peu à peu un endroit de quiétude pour les riverains. Seules les 4 cloches de l'édifice religieux placées sur des blocs de béton et reliées entre elles par des chaînes rappellent le passé de cette place bruxelloise. 

Mais en 2017, la Fabrique d'Eglise, autrement dit l'établissement chargé de la gestion des biens d'une paroisse, lance le projet de reconstruction. Ce dernier n'est pas bien accueilli par des riverains qui introduisent un recours au Conseil d'Etat. 

Pour ces habitants, la construction d'une nouvelle église est une réelle menace pour la tranquillité de la place. Christophe Lootvoet est l'un de l'entre eux. "Je suis arrivé il y a 20 ans dans le quartier. Je n'ai jamais connu d'église ici. J'ai toujours connu la place Van Meyel. C'est un lieu de convivialité, de croisement et de rencontres. Etterbeek est une commune très dense. Il y a très peu d'espaces publics. Donc c'est un vrai espace de détente et de décompression. Pendant la période Covid, heureusement qu'on a des lieux comme ça. Sinon, on serait tous cloîtrés dans nos quelques mètres carrés. Et en fait, c'est invivable", confie-t-il. 

Plusieurs des opposants remettent en doute la nécessité de ce nouvel édifice. "Dans la commune, il y énormément d'édifices religieux. Il y a une chapelle à l'arrière de la nouvelle maison communale qui est complètement désaffectée, en décrépitude, en ruines. Pourquoi mettre des sous dans la construction d'un nouvel édifice alors qu'il serait possible de rénover des beaux éléments, rénover du patrimoine?", estime Christophe Lootvoet. Avant d'ajouter: "Toutes ces maisons qui ont une ouverture depuis 30 ans vont se retrouver face à un mur. C'est compliqué. C'est un sol privé mais ce n'est pas un site qui n'est pas lié au public. Dire qu'il est privé et que les citoyens de ce fait n'ont pas le droit de cité est interpellant".

Alexandre Pirson, avocat spécialiste en droit de l'urbanisme représente le comité de riverains qui s'oppose au projet. "Ce qui pose question ici est le choix de l'implantation. À savoir une place qui appartient à un propriétaire privé certes, la Fabrique d'église mais qui va venir s'implanter sur un espace public que les riverains se sont réappropriés au fil du temps", éclaire-t-il. 

Si la place Van Meyel a été adoptée par les riverains, elle appartient pourtant bel et bien à la Fabrique d'église. Dès la démolition de l'édifice en 1993, la reconstruction a été réfléchie. Une solution de financement ayant été trouvée en 2014 (via l'apport d'un donateur), le projet a pu être remis sur les rails. Selon la Fabrique, des discussions ont rapidement été entreprises avec les riverains. "Nous avons entamé le dialogue bien avant que la procédure de demande de permis d'urbanisme ne soit lancée", souligne son président Bauduin Boone. Avant d'ajouter: "L'église de Bruxelles souhaite donner un signal fort: un message d'espoir. L'Eglise vit et s'adapte au paysage en permanence. Elle ferme des églises mais en construit aussi". 

Aujourd'hui, la construction de nouvelles églises en Belgique est plutôt rare, comme nous le confirme le porte-parole des Evêques de Belgique, Tommy Scholtès. "On est plutôt dans le regroupement", précise-t-il. Selon lui, la construction d'un nouvel édifice religieux doit répondre à un besoin local. "C’est une question de bassin de population. C’est vraiment par rapport aux besoins que l’on va regarder la nécessité ou non de construire un lieu de culte", indique-t-il. Avant de poursuivre: "On est bien conscient de l’évolution démographique par rapport à la fréquentation du culte. On regarde quels sont les lieux qui sont vraiment porteurs, quelles sont les communautés porteuses". 


Des vieux bâtiments énergivores qui coûtent chers

Ces nouvelles constructions semblent être pensées afin de correspondre aux besoins actuels. Loin des immenses bâtiments de pierre souvent énergivores, les nouveaux édifices tentent de convenir aux "besoins et souhaits" selon ses représentants. "Nous avons affaire à différents endroits du pays à des constructions qui sont souvent du siècle passé et qui deviennent ingérables du point de vue financier", concède Bernard Michaux, président de l'Association des Oeuvres Paroissiales. À ce titre, la nouvelle église Sainte-Gertrude devrait être plus adaptée aux besoins. "Elle comprendra beaucoup moins de place que les églises actuelles. Nous n'aurons plus de volumes impossibles à chauffer et la convivialité ressortira beaucoup mieux de la nouvelle structure", éclaire Bernard Michaux. 

Selon des chiffres communiqués par CathoBel, le site de l'Eglise catholique en Belgique francophone, le nombre d'églises est en diminution depuis plusieurs années. En 2018, on comptait 3.846 églises sur notre territoire contre 3.705 aujourd'hui. Chaque année, entre 30 et 40 églises sont supprimées. La désacralisation d'église est "une solution très laborieuse qui est d’une part financière, sociologique et politique", affirme Tommy Scholtès. "On veille à ce que la désacralisation d’églises soit faite vraiment lorsque c’est vraiment nécessaire au niveau de l’état du bâtiment et du coût que la restauration entraînerait", souligne-t-il.

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