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"WISH leurre le client" en faisant croire à des soldes grotesques toute l'année: est-ce bien légal?

Une montre à 4 euros, des accessoires pour smartphone à 1 euro: l'application Wish propose d'acheter des produits chinois à (très) bas prix, tranquillement installé dans un fauteuil. Qui se cache derrière Wish ? Et sa stratégie, qui consiste à faire croire qu'une paire de basket à 500€ est soldée toute l'année à 5€, n'enfreint-elle pas des règles élémentaires du commerce ?

Si vous avez un compte Facebook, ou si vous allez souvent sur internet, vous avez forcément déjà vu les publicités pour Wish, une application qui prétend révolutionner le shopping, "made fun and easy" ("rendu amusant et facile").

Autre slogan, "des soldes toute l'année". C'est ce dernier qui a fait réagir Sébastien, qui a contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous. "Ce site vous propose toutes sortes de produits à des prix extrêmement soldés (…) il me semble qu'il leurre le client", estime-t-il.

"Ce site gonfle les prix des produits afin de faire croire que le client réalise une bonne affaire. Est-ce légal ?", s'interroge-t-il ?

On a mené une petite enquête pour essayer de répondre à ces questions.

Wish, c'est quoi, c'est qui ?

La plateforme Wish est née en 2011. Elle est issue de la start-up Context Logic, lancée en 2010 par Peter Szulczewski (un ancien employé de Google) et Danny Zhang (un ancien de Yahoo). Leur idée était initialement de concurrencer les Google Ads, soit les publicités ciblées du géant de la recherche.

Ils ont finalement préféré lancer Wish, une application qui était au départ une expérience de shopping basée sur une liste de souhaits ('wish' signifie 'souhait' en anglais). Les utilisateurs la remplissaient et ensuite, les marchands se battaient pour imposer leur produit, une sorte d'enchère à l'envers.

Ce petit bout d'histoire a son importance. Car quand Wish est devenu en 2013 une plateforme de commerce en ligne (plus ou moins) comme les autres, il a basé son concept sur des méthodes de ventes agressives. Au départ uniquement une application pour smartphone, Wish a inventé une nouvelle manière de présenter les produits d'une manière très attractive, avec de grandes vignettes et des prix soldés de manière extrême. Le but étant de faire durer les sessions de 'shopping' un petit bout de temps, et de vous faire craquer, forcément, en vous faisant penser: "je n'en ai pas vraiment besoin, mais à ce prix-là…"

Suivi permanent, stratégie agressive

Rien n'est laissé au hasard lorsque vous utilisez l'application Wish. Le suivi est permanent et la procédure de passage à l'achat bien rodée. Pour faire simple: votre profil est catalogué ; votre shopping, donc le temps que vous passez sur l'application à faire défiler et rechercher des produits, est analysé en détail. Puis (c'est un exemple), des algorithmes vont faire diminuer le prix le lendemain, proposer des réductions exclusives mais temporaires ("il faut acheter dans l'heure"), faire apparaître le produit sur la publicité de tous les autres sites web que vous visitez, et même vous suivre sur Facebook. Sur cette plateforme, Wish aurait dépensé 100 millions de dollars en 2017, pour apparaître au bon moment, sur les fils d'actualité des bons profils. Des montants similaires ont sans doute été dépensés avec les Google Ads de Wish qui vous suivent partout…

Bref, c'est du marketing numérique poussé à l'extrême. Vous pensez que Cambridge Analytica a manipulé des millions d'opinions politiques via Facebook ? Imaginez ce que fait Wish avec les portefeuilles des 300 millions d'utilisateurs qu'il prétend avoir à travers le monde…


Après deux jours de surf, la page d'accueil s'est adaptée, au niveau des produits et des prix

Du (très) low-cost

Vous l'avez compris, pour que le concept fonctionne et que les produits tapent dans l'œil des clients, il faut des prix ridiculement bas, et des exigences au rabais en termes de qualité.

Wish sert en réalité d'intermédiaire entre des vendeurs qui sont directement les usines chinoises fabriquant les produits, et les clients. On pourrait parler de 'marketplace' comme sur Amazon, par exemple, sauf que les marchands ne sont pas vraiment identifiés ni notés par les acheteurs. On ne sait pas qui ils sont: une grande usine bien tenue, une petite fabrique dans la cave d'un immeuble ?

On a été faire un tour pour vous trouver un exemple. Une paire de chaussures de jogging sans marque est vendue 16€ (au lieu de 487€ prix non soldé, soi-disant), et on a pu cliquer sur la page Wish du vendeur, une 'boutique' baptisée… "ooooooooo_k", sans autre détail. On y voit simplement la liste des produits vendus par cette boutique, mais aucune information sur le vendeur, l'usine, etc.

Bref, vous l'aurez compris, on trouve sur Wish des produits de piètre qualité, le 'Made in China' dans toute sa splendeur. Le tout rassemblé de manière anarchique. Car cette même paire (du moins la même photo illustrant le produit) est vendue par plusieurs boutiques, et les prix varient de 5€ à 20€.

La plupart des utilisateurs achètent des petits gadgets à quelques euros. Il y en a même des soi-disant gratuits car les frais de port sont parfois affichés à 2 euros, alors que vu le poids du gadget, cela coûte moins cher.

Est-ce légal que ce site gonfle les prix des produits afin de faire croire que le client réalise une bonne affaire?

Ces fausses soldes permanentes sont-elles légales en Belgique ?

Sébastien, notre témoin, a failli acheter un appareil photo sur Wish, avant de se raviser. "Il y a un appareil photo de la marque 'Protax D3000' dont le prix de départ approche les 2000€. Il est soldé à -90%. Je vous avoue que j'étais perplexe face à ce site et je suis donc aller voir sur des sites internet combien vaut en réalité cet appareil photo. Il en résulte que celui-ci coûte normalement entre 200 et 250 euros".

Rien d'étonnant dans son constat. Inutile d'être un expert pour comprendre que les soldes omniprésentes et souvent grotesques n'en sont pas réellement. Il est probable que les prix – le normal et le soldé - soient calculés de manière algorithmique pour optimiser la vente. Ce ne sont donc pas "des soldes toute l'année", vous l'aurez compris.

Sébastien se pose dès lors la question suivante: "Est-ce légal que ce site gonfle les prix des produits afin de faire croire que le client réalise une bonne affaire?"

Non, en tout cas pas chez nous. "En principe une telle pratique ne peut pas exister en Belgique", nous a-t-on expliqué au SPF Economie. Chez nous, il y a des règles strictes, "on ne peut vendre à perte que durant les mois de janvier et de juillet".

Cependant, Wish est une application américaine qui met en relation des fabricants chinois et des acheteurs basés un peu partout dans le monde, y compris en Belgique. "Au niveau belge, le Ministre ne peut pas agir, car l'Europe est un marché unique, tout doit donc se faire dans un cadre européen. A notre niveau, on pourrait agir si c'était une entreprise basée en Belgique".


L'absence d'harmonisation des règlements au niveau européen

L'Union européenne ne reste pas pour autant les bras croisés. "L'UE a des contrats avec les Américains, par exemple", régissant certaines procédures, certains accords. Mais c'est très complexe à mettre en place car même au sein de l'Europe, "il y a des philosophies commerciales très différentes".

Le SPF cite l'exemple tout bête de la revente d'un ticket de concert. "En Belgique, il est interdit de le revendre plus cher. Aux Pays-Bas, les enchères sont autorisées". Si on n'est pas d'accord pour un détail entre deux pays limitrophes, comment s'entendre pour des règles de (faux) prix pratiqués par des fabricants chinois via une application américaine ? "Les degrés de protection du consommateur sont différents selon les pays, c'est comme ça… Même si pour l'alimentaire par exemple, le niveau est très élevé partout".


Une paire de chaussure (très) soldée, un "fabricant" sans aucune autre mention qu'un nom désopilant, "ooooooooo_k"...

Les gens se font avoir, mais ils en redemandent

Un confrère du site recode.net, qui a discuté en 2015 avec le très discret fondateur de Wish Peter Szulczewski, a pris la peine de commander quelques produits pour voir de quoi il s'agissait vraiment. Il a commandé 6 produits, qui ont mis chacun entre 2 et 3 semaines à arriver séparément. C'est la durée standard, et elle est assez clairement indiquée au moment de l'achat.

En réalité, des sociétés de transport se chargent de remplir des containers à destination de l'Europe ou des Etats-Unis, et ça prend donc du temps. Il ne s'agit jamais d'un envoi unique, les frais seraient dix fois plus élevés que la valeur du gadget acheté.

Notre confrère a acheté une montre à 4$ (elle est arrivée cassée au niveau du bracelet et d'une aiguille), un T-Shirt avec un faux logo Tommy Hilfiger à 12$ (il a été retiré de la vente par après car les faux ne sont pas tolérés…), un pantalon de training à 7$ (trop petit car les tailles ne correspondent pas toujours), une 'smartwatch' à 15$ (qui a fonctionné en partie), une protection d'écran d'iPhone à 2$ en bon état, et un bracelet à 1$ sans mauvaise surprise.

Vous n'êtes sans doute pas plus étonnés que nous par la piètre qualité des produits achetés. Et pourtant, les ventes sur Wish ne cessent de croître de mois en mois. La société ne cesse de lever des centaines de millions de dollars pour continuer à grandir en investissant massivement dans la publicité (et en devenant le sponsor maillot des Los Angeles Lakers en NBA…).

Conclusion

L'application Wish, l'une des plus populaires sur nos smartphones, n'est pas une arnaque. On peut en effet trouver des millions d'articles à des prix ridiculement bas. Un miracle ? Non, pas vraiment. Les produits sont de qualité minimale, en provenance directe d'usines chinoises fabriquant tout et (surtout) n'importe quoi. Ajoutez à cela une stratégie d'incitation à l'achat très grossière (des fausses soldes toute l'année, souvent "-97%").

Un concept qui cartonne: les adeptes sont de plus en plus nombreux, les investisseurs se bousculent. Il se murmure même qu'Amazon a voulu racheter Wish pour plusieurs milliards de dollars, il y a quelques années.

Tout cela soulève quelques questions… Dans quel monde vit-on ? Une société occidentale à la recherche de cette expérience de shopping qui s'apparente finalement plus à un jeu, à dénicher la bonne affaire. Comme si on avait besoin de remplir un vide par des achats compulsifs, des objets dont on n'a pas besoin.

C'est finalement très paradoxal: on tente d'éduquer nos enfants à une consommation plus responsable, plus éthique, plus juste. A acheter du local ou à privilégier le commerce équitable, à veiller à ce que les fabricants, ouvriers, fermiers du bout du monde ne soient pas exploités. On rêve en agissant de la sorte d'un monde plus équilibré, d'une planète préservée. Puis, d'un autre côté, on se rue sur des gadgets low-cost en plastique qui, on le sait, finiront à la poubelle après quelques jours, semaines, mois…

Sur Trustpilot, un site qui recense les avis des clients par rapport à d'autres sites web, un internaute résume bien cette idée. "Pay peanuts, get monkeys ! (Wish est) un site où l'on obtient ce que l'on mérite, dans notre frénésie à vouloir acheter toujours plus pour le moins cher. Résultat : des produits de très mauvaise qualité, tout juste bons à aller à la poubelle. En prime on vous trompe avec de fausses réductions, des photos trompeuses. Ma mauvaise expérience avec ce site m'aura au moins fait prendre conscience qu'il faut changer nos habitudes de consommation !"

Nous avons tenté, en vain, de joindre un responsable de Wish pour un commentaire. La présence de l'entreprise sur internet se limite à la boutique. Difficile d'en savoir plus sur son fonctionnement, son organigramme et ses chiffres, impossible de contacter un porte-parole. Ce qui n'est jamais le gage d'une entreprise très droite dans ses bottes par rapport à ses activités.

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