Accueil Actu

Conflit au Nagorny Karabakh: les bombardements meurtriers s'intensifient près d'une ville stratégique

Trois civils ont été tués dans la nuit de jeudi à vendredi par des bombardements sur la région sécessionniste du Nagorny Karabakh, a annoncé l'Arménie, les combats avec l'armée azerbaïdjanaise se poursuivant près d'une ville stratégique.

Une porte-parole de l'armée arménienne, Chouchan Stepanian, a indiqué sur Twitter que la capitale du Nagorny Karabakh, Stepanakert, avait été de nouveau visée par des frappes. "Une roquette a atteint une zone résidentielle, tuant trois civils", a-t-elle affirmé, évoquant également des bombardements sur la ville de Choucha.

De son côté, le ministère azerbaïdjanais de la Défense a fait état de tirs ennemis dans la matinée sur la ville de Terter et deux autres villages. Il a également signalé des bombardements dans la nuit sur une localité de la région de Goranboï.

Sur Twitter, l'armée du Nagorny Karabakh a déclaré que les combats se poursuivaient "le long des principales parties du front". "De multiples attaques d'unités azerbaïdjanaises sur Choucha ont également été repoussées", est-il ajouté, l'armée assurant avoir le "contrôle complet de la situation".

Officiellement, plus de 1.250 morts 

Choucha, surnommée la Jérusalem du Nagorny Karabakh, est une localité stratégique située sur des hauteurs au sud de Stepanakert.

Depuis la reprise des combats le 27 septembre, les forces azerbaïdjanais ont regagné d'importants territoires au sud du Karabakh et se rapprochent de Choucha et d'une route vitale reliant la capitale séparatiste à l'Arménie.

Au début des années 1990, une première guerre dans la région avait fait 30.000 morts et aboutit à la sécession du Nagorny Karabakh de l'Azerbaïdjan. Selon des bilans partiels, ces nouveaux affrontements, les pires depuis près de trente ans, ont fait plus de 1.250 morts mais le nombre de victimes est probablement beaucoup plus élevé, l'Azerbaïdjan ne communiquant pas ses pertes militaires.

L'ONU parle d'attaques "indiscriminées"

Trois tentatives de trêve humanitaire négociées respectivement sous l'égide de la Russie, de la France et des Etats-Unis, ont volé en éclats.

Cette semaine, l'ONU a évoqué la possibilité de crimes de guerre en raison d'attaques "indiscriminées" contre des civils et de vidéos jugées crédibles montrant l'exécution de prisonniers de guerre arméniens.

Tandis qu'Erevan a demandé à Moscou une assistance militaire, Bakou bénéficie du soutien appuyé de la Turquie, accusée de lui fournir des spécialistes et des mercenaires.

CINQ CHOSES À SAVOIR SUR LE NAGORNY KARABAKH

D'une main à l'autre

Considéré comme une région centrale de son histoire par l'Arménie, le Nagorny Karabakh a changé de mains de multiples fois au cours des siècles. 

Intégrée au royaume arménien dans l'Antiquité, cette région passe sous influence arabe au Moyen Âge avant qu'une révolte ne la fasse revenir dans le giron de l'Arménie.

Après une période d'influence perse, le Khanat de Karabakh, Etat alors turcique, est finalement incorporé à l'Empire russe en 1813.

Puis, l'Arménie et l'Azerbaïdjan se disputent le territoire lors de la guerre civile ayant suivi la révolution bolchévique de 1917.

Bien que peuplé en majorité par des Arméniens, il est rattaché à la république soviétique d'Azerbaïdjan en 1921 par Staline avec, à partir de 1923, un statut d'autonomie. Ce statut reste inchangé jusqu'aux dernières années de l'URSS.

Référendum et guerre

En 1988, en pleine perestroïka, des violences inter-ethniques éclatent alors que l'Arménie et l'Azerbaïdjan sont encore dans l'Union soviétique.

A la dislocation de l'URSS en 1991, le Nagorny Karabakh organise un référendum boycotté par la communauté azerbaïdjanaise puis proclame son indépendance de Bakou avec le soutien d'Erevan. Cette indépendance n'a jamais été reconnue par aucun Etat membre de l'ONU.

Avec le départ de l'armée soviétique de la région, qui laisse derrière elle ses armes, les forces en présence se lancent dans une rapide escalade des violences, débouchant sur une guerre qui a fait quelque 30.000 morts.

Le 17 mai 1994, un cessez-le-feu négocié par Moscou entre en vigueur.

République auto-proclamée

Les Arméniens contrôlent depuis environ un cinquième du territoire de l'Azerbaïdjan: le Nagorny Karabakh --qui signifie Karabakh montagneux en russe-- mais aussi des territoires l'entourant peuplés d'Azerbaïdjanais et d'autres minorités. 

Ces sept districts occupés constituent aujourd'hui encore un glacis en plaine, autour des hauteurs de l'Artsakh, le nom donné par les Arméniens au Karabakh. 

Bien que disposant de ses propres institutions et gouvernement, le Nagorny Karabakh est soutenu politiquement, économiquement comme militairement par l'Arménie. 

Erevan n'a néanmoins pas reconnu son indépendance.

Peuples arméniens et azerbaïdjanais

Le Nagorny Karabakh, enclave terrestre, est aujourd'hui composé à plus de 99% d'Arméniens de confession chrétienne, selon les données officielles, et peuplé d'environ 146.000 habitants répartis sur 4.400 m2 essentiellement montagneux. Le tiers environ vit à Stepanakert, la capitale. 

La guerre des années 1990 a conduit à d'importants déplacements de populations, près de 700.000 Azerbaïdjanais fuyant l'Arménie et le Nagorny Karabakh et 230.000 Arméniens fuyant l'Azerbaïdjan.

Une avancée azerbaïdjanaise pourrait conduire à de nouveaux déplacements importants, la population arménienne, qui a grandi depuis 30 ans à l'ombre de ce conflit, n'étant guère disposée à vivre sous domination azerbaïdjanaise. 

L'impasse diplomatique

Pendant 30 ans, les efforts de médiation internationale sur le statut du Nagorny Karabakh ont échoué. Ils sont pilotés par les Etats-Unis, la Russie et la France, qui co-dirigent le Groupe de Minsk à l'OSCE.

Périodiquement, des affrontements armés, parfois graves comme en avril 2016, éclatent. 

L'Azerbaïdjan, fort de ses réserves de pétrole, s'est armé ces dernières années sans compter, s'équipant comme l'Arménie auprès des Russes, mais se dotant aussi de matériel plus moderne, comme des drones, auprès de la Turquie et d'Israël.

Bakou affirme désormais que le Groupe de Minsk a échoué et que seul un retrait arménien du Karabakh peut mettre fin à l'effusion de sang. 

L'Arménie se dit prête à se battre jusqu'au bout, quitte à reconnaître l'indépendance du Nagorny Karabakh, ce qui pourrait constituer un nouveau motif d'escalade.

À lire aussi

Sélectionné pour vous