Partager:
Quelques jours après la levée de son immunité parlementaire, le député LREM des Hauts-de-Seine Thierry Solère, visé par une enquête pour fraude fiscale et corruption, a été placé en garde à vue mardi à Nanterre.
Le député était entendu depuis mardi matin dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte en septembre 2016, a indiqué le parquet de Nanterre interrogé par l'AFP, confirmant une information du Monde.
D'abord ouverte pour "fraude fiscale" après une plainte de Bercy, l'enquête, menée par l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), avait ensuite été élargie aux chefs de "trafic d'influence, corruption, abus de biens sociaux, financement illicite de dépenses électorales et manquement aux obligations déclaratives auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP)".
M. Solère a perdu son immunité parlementaire le 11 juillet, à la demande du parquet. Une demande relayée par l'intéressé lui-même qui disait vouloir "être entendu" dans cette affaire.
Sollicité mardi par l'AFP, l'avocat du député, Me Pierre-Olivier Sur, n'a pas souhaité s'exprimer.
Après avoir présidé le Comité d'organisation de la primaire de la droite, Thierry Solère a lâché en pleine campagne présidentielle François Fillon, comme Bruno Le Maire et ses proches Edouard Philippe et Gérald Darmanin, tous membres du gouvernement d'Emmanuel Macron aujourd'hui.
Il a été au centre d'une polémique en se faisant élire, au nom de "l'opposition", questeur de l'Assemblée au nez et à la barbe du LR Eric Ciotti, avant de devoir céder son poste fin 2017. Exclu des Républicains, un temps membre des "Constructifs" (devenus Agir), il a finalement rejoint La République en marche.
Les faits dont les enquêteurs le soupçonnent remontent notamment, pour la fraude fiscale, à la période 2010-2013, alors qu'il était conseiller régional et lieutenant de Bruno Le Maire.
Le député travaillait en parallèle comme conseiller stratégique dans le privé, notamment chez Chimirec, une entreprise spécialisée dans la collecte et le traitement des déchets industriels. Un poste qui lui rapportait "12.000 euros par mois", avait révélé Mediapart en septembre 2016.
- "Enrichissement occulte" -
A l'été 2017, Le Canard enchaîné avait dévoilé que Thierry Solère avait "omis de régler une partie de ses impôts sur le revenu de 2010 à 2013, ainsi que la taxe foncière de la dernière année". Un "oubli" qui lui avait valu "une saisie-arrêt sur salaire", selon l'hebdomadaire.
L'élu avait répliqué avoir fait l'objet d'un "contrôle classique" et n'avoir "commis aucun délit fiscal".
Selon un article du Monde publié récemment, le parquet soupçonne également M. Solère "de s'être servi de son influence" pour "aider ses sociétés clientes à obtenir des contrats publics ou un agrément des pouvoirs publics".
Le quotidien évoquait aussi des soupçons d'embauche à "caractère fictif" de l'épouse d'un ex-dirigeant de la société Aliapur comme assistante parlementaire. Celle-ci était "chargée de faire son bilan de mi-mandat", "ce qu'elle a fait", affirme l'entourage de l'élu.
Il lui est en outre reproché, toujours selon Le Monde, des faits "d'enrichissement occulte": de "faux prêts" auraient été consentis par les sociétés d'un promoteur immobilier, permettant l'acquisition de "trois appartements" revendus ensuite "à ces mêmes sociétés en opérant au passage des plus-values".
Le député conteste vigoureusement toute irrégularité, s'appuyant sur des attestations de fin de remboursement de plusieurs crédits immobiliers, que l'AFP a pu consulter.
Le promoteur évoqué par Le Monde, un ami personnel de l'élu, se défend de toute transaction illégale avec ce dernier. Il affirme lui avoir bien acheté trois appartements, mais sans en avoir été le propriétaire auparavant, a indiqué son entourage à l'AFP.
L'homme d'affaires assure par ailleurs lui avoir accordé un prêt, déclaré aux services fiscaux, mais qui ne concerne pas ces biens immobiliers.
Cette affaire aux multiples facettes a eu un effet collatéral de taille: soupçonné d'avoir transmis à M. Solère des éléments sur l'enquête, l'ex-garde des Sceaux socialiste Jean-Jacques Urvoas a été mis en examen en juin par la Cour de justice de la République pour "violation du secret professionnel".