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Nicolas Van Zeebroeck est professeur de stratégie numérique à la Solvay Brussels School. Il a répondu à des questions essentielles sur le bitcoin, dont on parle à nouveau beaucoup en ce début d'année.
Le bitcoin, c'est quoi ?
"Une monnaie électronique. Alors, bien sûr, l'argent est électronique depuis longtemps, comme celui que nous avons sur notre compte en banque. Mais ce dernier est enregistré sur les bases de données de votre banque, avec l'historique de toutes vos transactions. Avec le bitcoin, l'idée, c'est que la grande base de données, qui contient les soldes de tous ceux qui en possèdent et les transactions, est partagée par tous les utilisateurs du bitcoin. Elle est accessible ouvertement à tout le monde. C'est donc une monnaie décentralisée, dont l'idée est de se passer du système bancaire traditionnel".
C'est une monnaie qui ne repose sur rien, sur du vent ?
"Elle repose, mais c'est le cas de toutes les monnaies, sur la confiance que les utilisateurs de la monnaie placent en elle. Même pour les monnaies traditionnelles, il n'y a plus de couverture or (définition), et puis finalement, l'or lui-même est un bien qui a la valeur qu'on lui accorde".
Concrètement, à quoi sert le bitcoin aujourd'hui ?
"Il est principalement utilisé à des fins spéculatives. Au départ, l'idée était que le bitcoin remplace ou soit une alternative à la monnaie classique, et qu'on puisse s'en servir pour payer ses courses ou acheter des choses sur internet, par exemple. Pour différentes raisons techniques, ça ne fonctionne pas encore très bien: en raison de la volatilité importante du bitcoin (changements importants de sa valeur au fil des jours, des mois), c'est très difficile de donner le prix de quelque chose en bitcoin ; mais aussi parce que les transactions en bitcoin sont assez lentes et difficiles à réaliser".
Un bitcoin vaut actuellement 50.000 dollars. Est-ce une valeur sûre dans laquelle il faut investir ?
"Non, ce n'est absolument pas sûr. C'est un placement extrêmement risqué car le bitcoin est une monnaie très volatile. Souvenez-vous: il y a un an, juste avant le premier confinement, le bitcoin tournait autour de 4.300 euros. Sa valeur aujourd'hui est d'environ 43.000 euros. Elle a fait x10 en un an, mais peut aussi bien perdre 20 ou 30% en une journée. Il faut avoir les nerfs bien accrochés si on investit dans ce genre d'actifs".
C'est donc une bulle, comme il en existe souvent en bourse ?
"Oui, dès qu'il y a un bien dont la valeur augmente très rapidement, on peut craindre qu'il y ait une bulle. Dans le cas du bitcoin, on sait que la bulle est entretenue par deux choses: les concepteurs de cette monnaie ont veillé à ce que la quantité de bitcoin en circulation augmente très lentement et se stabilise, à terme. Donc on a organisé la rareté, et ce qui est rare est cher, surtout quand de plus en plus de personnes en veulent. Autre élément: la valeur est poussée par un certain nombre d'acteurs assez visibles du grand public, qui font la promotion du bitcoin (Elon Musk, par exemple). Est-ce que la flambée de la valeur du bitcoin peut s'arrêter ? Bien sûr, si la confiance s'érode, et puis disparait, la valeur peut fortement baisser, voire disparaître elle aussi".
Le bitcoin est utilisé par des personnes peu fréquentables, notamment pour le blanchiment d'argent…
"C'est assez particulier avec le bitcoin: à la fois les transactions du bitcoin sont visibles par tout le monde, mais les utilisateurs sont a priori anonymes. C'est donc assez confortable pour des usages illicites".
Il y a un impact du bitcoin sur l'environnement ?
"Pour réaliser des transactions en bitcoin, il faut des calculs extrêmement complexes. Ce sont des fermes informatiques, des usines remplies d'ordinateurs très puissants, qui font ces calculs. Et elles sont en concurrence les unes avec les autres, car celle qui valide la transaction reçoit quelques bitcoins en échange. Cette course aux calculs consomme une énergie folle. Deux chiffres: une transaction a un coût d'environ 10€ en énergie. L'ensemble du bitcoin consomme sur une année, pour le moment, l'équivalent en énergie d'un pays comme les Pays-Bas".