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Pourquoi de moins en moins de jeunes wallons optent pour le néerlandais dans l’enseignement secondaire? Selon une étude du professeur L. Mettewie (UNamur), ils trouvent souvent cette langue moche et difficile.
En Flandre, les élèves sont obligés de prendre le français comme première langue étrangère en première secondaire. A Bruxelles, pas d’option non plus: pour les Francophones, c’est néerlandais obligatoire. Ne doit-on pas rendre le néerlandais obligatoire en première langue étrangère pour tous les élèves, puisque les élèves n’ont pas tendance à la choisir? C'était l'un des débats lancés par l'émission C'est pas tous les jours dimanche sur RTL-TVI.
Le témoignage interpellant d'un directeur d'école: "On a fermé la section néerlandais après 3 ans"
Les chiffres montrent que pour l'année scolaire 2009-2010, 49% des jeunes wallons optaient pour le néerlandais, 49% pour l'anglais, et 2% pour l'allemand. En 2015-2016, les chiffres ont bien changé: 39% ont choisi le néerlandais, 59% l'anglais et 2% l'allemand.
Le directeur de Communauté éducative Saint-Jean Baptiste à Tamines est venu témoigner en plateau. Son école avait ouvert des classes d'immersion en anglais et en néerlandais il y a quelques années. Mais après trois ans, la section néerlandophone a été fermée par manque d'élèves. "Quand on a ouvert l'immersion en anglais et en néerlandais, la première année on avait neuf élèves en néerlandais et quinze élèves en anglais. Au niveau du néerlandais, ça n'a fait que péricliter, et l'anglais ça a augmenté", confie Alain Derycke.
D'après lui, s'il impose le néerlandais dans son école, il aura affaire à une "révolution". "Parce qu'on ne va pas correspondre à la demande des parents et des enfants. Ils veulent vraiment l'anglais. Sur nos 200 élèves de première année commune, seuls 30 élèves suivent le néerlandais, donc 15%", confie le directeur. Pourtant, Tamines se trouve à seulement 60 kilomètres de la Flandre.
C'est normal que les Wallons n'aient pas envie d'apprendre le néerlandais
"Pour moi, cette réaction des Wallons est normale. Nous sommes dans un pays qui est une création artificielle, d'après notre point de vue. Donc il est normal que les Wallons n'aient pas envie d'apprendre le néerlandais. Ça confirme qu'on est dans un système à deux états", commente Hilde Roosens, vice-présidente du VVB, le Mouvement populaire flamand. "Si les personnes ne veulent pas apprendre d'autres langues, c'est dommage pour elles, mais ça précipite la fin du pays", ajoute-t-elle.
Pourtant, malgré quelques récents changements, le français reste globalement imposé dans l'enseignement flamand.
Avec le pacte d'excellence, le néerlandais arriverait au plus tard en 3ème primaire
Le 19 mars 2017 sur le plateau de l'émission C'est pas tous les jours dimanche, Marie-Martine Schyns, ministre de l'Education en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), se disait "pas fermée à l'obligation" du néerlandais. Celle qui l'avait précédée à son poste, Marie-Dominique Simonet, était invitée dans l'émission. Elle rappelle qu'apprendre une autre langue est "toujours positif", mais n'est pas favorable à une obligation stricte.
"Dans les projets du pacte d'excellence (ndlr: projet de réforme de l'enseignement francophone porté initialement par le cdH et le PS) on veut une amélioration de toutes les langues pour les francophones, on doit pouvoir parler plus qu'une langue étrangère, au moins deux. La volonté est d'apprendre les langues plus tôt, dès la maternelle. Un cours d'éveil en maternelle, puis un deuxième ajouté en 3ème primaire. Donc même si on choisit anglais en maternelle, le néerlandais arrivera obligatoirement en primaire", précise la députée cdH.
L'anglais est un obstacle au néerlandais
Pour sa part, Laurence Mettewie, professeur de néerlandais à l'Université de Namur, ne partage pas l'optimisme de Marie-Dominique Simonet avec l'arrivée du néerlandais au plus tard en 3ème primaire. "Parce que l'anglais est un obstacle au néerlandais. Une fois qu'ils commencent à apprendre l'anglais, les jeunes ont l'impression que ça suffit et qu'il ne faut donc plus apprendre le néerlandais. Or, l'avenir n'appartient plus aux bilingues, il appartient aux multilingues", explique-t-elle.
Pour avoir envie d'apprendre la langue, il faut avoir envie de partager sa culture!
Christophe Giltay, chroniqueur de l'émission, a donné son analyse. "L'anglais, c'est la lingua franca (ndlr: jargon composé de français, d'italien et d'espagnol, parlé très largement en Europe du Moyen Âge au XIXème siècle) du monde entier. Donc même si on ne leur apprenait pas l'anglais, ils l'apprendraient de toute façon, avec les films, etc. Il y a une appétence culturelle pour l'anglais. De surcroît, il n'y a plus rien en commun au niveau culturel. Vous connaissez des chanteurs flamands connus en Wallonie? Je suis réaliste!", explique le journaliste. "Pour avoir envie d'apprendre une langue, il faut avoir envie de partager sa culture. Une langue c'est pas simplement des mots alignés sur une grammaire. C'est une culturel à laquelle on adhère par envie. Il faut qu'elle soit sexy la langue!", ajoute-t-il.
Rebondissant sur les propos de Christophe Giltay, Laurence Mettewie rappelle qu'il faut "donner le goût à une langue". "Il faut la stimuler, il faut travailler l'image, l'attrait, la multifonctionnalité de la langue. Le néerlandais est une très belle langue, les plus beaux vers d'amour son en néerlandais!", confie-t-elle. "Nous avons une responsabilité collective là-dedans. Tant que nous ne construisons pas des ponts entre nos cultures, il n'y aura pas d'envie. Montrer qu'il y a une culture bilingue, entre autres, chez les rappeurs bruxellois, c'est peut-être une manière…", conclut-elle.