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La Cour d’appel de Mons a rendu la semaine dernière sa décision dans le cadre d’une délicate affaire d’attouchements sur mineurs. Le prévenu, Sheikh Y., est un homme de 75 ans d’origine indienne. Il a été condamné à quatre ans de prison avec sursis pour avoir commis des attentats à la pudeur avec violence ou menace sur des mineurs de moins de 16 ans. En l’occurrence, deux sœurs et une troisième jeune fille. La justice note également qu’il a abusé de l’autorité que lui confèrent ses fonctions. Sheikh Y. donnait en effet des cours de lecture du Coran. Les victimes et leurs parents restent aujourd’hui fortement choqués et perturbés par les faits.
Des déclarations troublantes
Les témoignages des victimes sont particulièrement éclairants quant à l’ambiance malsaine qui régnait lors des cours donnés à domicile par le professeur de lecture du Coran. L’homme avait par exemple mis en place une méthode de récompense afin de se rapprocher physiquement des jeunes filles. Devant les enquêteurs, il déclare : "Quand un enfant lisait bien, je lui faisais un bisou sur le front. Mais les enfants se collaient à moi parce qu’ils manquent d’amour. (…) Il est vrai que les victimes ont à l’occasion, même à leur demande, massé ma jambe."
Le prévenu justifie même ses actes en se victimisant, osant déclarer : "Les enfants ont plus de diable dans leur tête que Satan lui-même."
Peut-être m’est-il arrivé de la pousser mais je n’ai jamais touché intentionnellement sa poitrine
Concernant des attouchements plus poussés, la Cour note que, là aussi, le suspect minimise les faits. Par exemple, lorsqu’on lui demande des explications concernant le fait d’avoir touché la poitrine d’une des jeunes filles mineures : "Peut-être m’est-il arrivé de la pousser mais je n’ai jamais touché intentionnellement sa poitrine." Les expertises réalisées notent que les témoignages sont crédibles et que les plaignantes gardent des traces psychologiques de traumatisme liées aux attouchements répétés du suspect.
Des contradictions dans le témoignage des victimes: une avocate spécialisée explique
La défense de Sheikh K. a avancé différents arguments en soulignant notamment des contradictions dans le témoignage des victimes. Pour l’avocate Gisèle Stuyck, qui dispose d’une formation en psychothérapie analytique, ce type de discordances est extrêmement fréquent dans ce genre de dossier : "Il n’est pas toujours évident pour les victimes d’avoir une vision structurée des faits et ce d’autant plus que le viol cause un traumatisme. Dès lors parfois, certains détails reviennent à la surface après la première audition réalisée auprès des autorités policières. C’est d’autant plus vrai pour les jeunes victimes, le sentiment de culpabilité peut dans un premier temps les conduire à taire certains éléments qu’elles considèrent comme non contributifs à leur défense. Un des éléments retenus en termes de critères de fiabilité retenu est notamment les détails donnés par la victime."
Une peine alourdie
Les arguments de la défense du prévenu n’ont en tout cas pas été retenus par la Cour d’appel, qui souligne l’extrême gravité des faits et alourdit la peine de prison de trois ans avec sursis infligée par le Tribunal correctionnel en première instance. Elle précise dans son arrêt : "La peine d’emprisonnement de trois ans ne tient pas suffisamment compte du nombre de victimes, de leur très jeune âge au moment des faits, de la longueur de la période infractionnelle ainsi que la circonstance que le prévenu a trahi non seulement la confiance des jeunes victimes mais également celle de leurs parents. Elle sera dès lors majorée et portée à quatre années."
Je me sens apaisée après ces 5 ans de bataille juridique
Une décision qui satisfait les parties civiles. Contactées par nos soins, deux des trois victimes se sont exprimées. La première nous confie avoir été complètement ébranlée dans ses convictions les plus profondes suites aux actes de cet homme : "Grâce à ce jugement qui nous rend justice, je me sens apaisée après ces 5 ans de bataille juridique. Malgré ces années de mal-être, je ne regrette pas d'avoir porté plainte. Dans mon cas, être reconnue comme victime par la justice m'aide beaucoup dans mon processus de résilience." La seconde continue aujourd’hui à se battre chaque jour pour faire face, elle explique : "Ce que j’ai vécu à mon jeune âge m’a beaucoup traumatisée mais cela ne s’est pas arrêté, mon cauchemar a continué. Au départ, j’étais dans le déni mais après avoir porté plainte, j’ai bien compris que j’étais une victime et que cette personne qui autrefois était de confiance m’avait trahie. C’est pour cela que ma relation avec autrui s’est détériorée au fil du temps. Cette personne et les faits m’ont traumatisée et cela a provoqué des crises d’angoisses à répétition, des insomnies durant lesquelles je revenais dans le passé."
Sur le fond Sheikh Y. a donc été condamné à deux reprises. Sa défense n’exclut pas de se pourvoir en cassation, une instance qui se prononce uniquement sur la forme en cas de vice de procédure.