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Éric nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous. Il est marié depuis un an, mais n'a pas la possibilité de vivre avec sa femme. Le problème? Cette dernière est sénégalaise et ne parvient pas à obtenir un visa pour la Belgique. La demande de regroupement familial a été refusée à deux reprises. Le couple ne sait plus quoi faire.
Un conte de fée qui a une saveur amère. "On ne s'attendait pas du tout à ça", regrette Éric. Ce Namurois de 52 ans ne pensait pas trouver l'amour lorsqu'il est parti en vacances au Cap-Vert au début de l'année dernière. Pourtant il y a fait la rencontre de Marietou, une Sénégalaise qui est désormais devenue sa femme. "C'est arrivé vraiment par hasard", raconte-t-il. Il continue: "Je suis revenu quelques jours après notre rencontre, je n'avais pas le choix pour le travail, donc je l'ai laissée là-bas. On a dialogué longtemps par WhatsApp, j'ai toute une collection de messages."
Quelques mois après cette idylle cap-verdienne, le couple décide de passer à la vitesse supérieure et de se marier. "C'est là que les problèmes ont commencé", affirme Éric. Des soucis dans la relation? Loin de là. Les jeunes époux ont voulu vivre ensemble et au moment d'introduire la demande de regroupement familial, ils sont tombés sur un os. "La première demande a été refusée en juin 2022", explique Éric. Il s'agit d'une procédure assez lourde et l'homme reconnaît que pour cette première tentative, quelques soucis administratifs sont entrés en ligne de compte.
"Ça devient pénible"
Pleins de bonne volonté, Éric et Marietou ont introduit une nouvelle demande au mois de novembre, "le temps de réintroduire les nouveaux documents". Cette fois, ils ont fait appel à un avocat spécialisé. Pourtant, le résultat est le même: "La demande a été refusée en février." Le second refus passe mal. "C'est une histoire d'amour, une vraie histoire, on veut vivre ensemble et on nous casse tout", le jeune marié est dépité. Déménager au Sénégal, il y a pensé, mais horticulteur indépendant, il n'en a "pas la possibilité".
Éric vit mal cette longue année passée loin de sa dulcinée et … son portefeuille aussi: "En un an, je suis allé 12 fois au Sénégal. J'ai pris l'avion 12 fois, ça me coûte beaucoup d'argent." Autre déconvenue: la haute saison va commencer pour lui et il ne pourra pas faire le voyage. "Ça devient pénible. C'est une belle histoire qui se transforme en enfer."
Comment ça marche?
En Belgique, il est possible de faire une demande de regroupement familial pour les membres de la "famille nucléaire", c’est-à-dire, le mari ou la femme et les enfants. Pour ce faire, il y a trois conditions essentielles à respecter pour la personne qui est sur le territoire: être en ordre de mutuelle, apporter la preuve d'un logement suffisant pour accueillir le "regroupé" et avoir des revenus stables et suffisants. Le seuil est fixé à 1.969€ net par mois.
C'est ce dernier point qui fait défaut pour Éric. Pourtant, l'indépendant a fourni un document comptable attestant que ses revenus sont supérieurs aux 1.969€ requis. Ce n'est pas le seul problème. Marietou a une fille de 10 ans et pour pouvoir accompagner sa maman, un document signé des mains de son papa est nécessaire. Il a bien été envoyé mais il y a visiblement quelque chose qui coince.
Pour y voir plus clair, nous avons contacté l'Office des Étrangers qui "conformément aux législations en vigueur ne peut communiquer à des tiers des informations concernant des cas individuels". On nous précise aussi que "chaque cas est unique et fait l'objet d'un examen individuel".
Toujours plus compliqué
Les recherches menées et les interlocuteurs sondés semblent tous aller dans la même direction: il serait de plus en plus compliqué d'obtenir un visa dans le cadre d'un regroupement familial en Belgique. Pour mieux comprendre, nous nous sommes tournés vers Medina M. et Christine P., des assistantes sociales chez Caritas, une ONG belge de solidarité. Ces actrices de terrain voient passer plus de 300 demandes de regroupement familial par mois.
Si, à l'instar de l'Office des Étrangers, elles ne peuvent pas se prononcer sur le cas particulier d'Éric, elles constatent de nombreuses difficultés liées aux demandes. "L'évaluation des revenus est laissée à l'appréciation de l'Office des Étrangers. En pratique, on constate qu'il est relativement sévère avec mes indépendants", nous explique-t-on. Tout est étudié au cas par cas, "c'est la même chose pour le logement".
Dans l'absolu, ces assistantes sociales remarquent tout de même "un accroissement des difficultés" qui est notamment dû, selon elles, au niveau de vie qui a changé et qui rend les exigences plus difficiles à atteindre.
Ne pas baisser les bras
Éric, bien décidé à vivre avec son épouse a introduit un recours. Si d'aventure, ça ne donnait rien, Éric peut encore tenter sa chance. Le seul bémol: la lenteur de la procédure qui "varie en général de 4 à 6 mois" selon le SPF. Chez Caritas, le triste record est de 11 ans avant de rassembler les membres d'une même famille.