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Une nouvelle espèce invasive de ver plat, venue d'Amérique du Sud, a été récemment trouvée en Guadeloupe et en Martinique où elle représente une menace potentielle pour la biodiversité des sols, selon une étude parue lundi dans la revue PeerJ.
De taille imposante (12 à 15 cm), l'espèce "Amaga expatria", qui ressemble à une banane coupée dans le sens de la longueur, avait été décrite pour la première fois en 2005, à partir de seulement deux spécimens récoltés aux Bermudes.
Elle venait "probablement d'Amérique du Sud. C'était une +alien+ aux Bermudes!", raconte à l'AFP Jean-Lou Justine, professeur au Muséum national d'histoire naturelle, qui a dirigé l'étude.
Plus personne n'en avait ensuite entendu parler, jusqu'à ce qu'une initiative de sciences participatives permette de la repérer 20 fois en Guadeloupe et en Martinique: dans leurs jardins ou lors de sorties en forêt, des passionnés de sciences naturelles ont récolté "des vers bizarres" dont ils ont envoyé des photos et des spécimens au laboratoire du Muséum.
Des techniques moléculaires de nouvelle génération ont permis de caractériser le génome mitochondrial de l’espèce et montré qu'il s'agissait bien de la même que celle décrite aux Bermudes.
Comment a-t-elle pu débarquer sur ces îles? Le vecteur probable est le transport de plantes. "Quelqu'un, en Amérique du Sud, a sans doute envoyé un pot de fleurs habité par cette espèce sur une île des Antilles, puis elle s'est répandue", suggère le zoologiste.
L'espèce Amaga expatria appartient au genre Amaga, très présent autour de la Colombie. Il existe une cinquantaine de genres sur les 300 espèces environ de la famille des vers plats terrestres (dont toutes ne sont pas envahissantes).
Et grâce aux études moléculaires, on connaît ses proies: les vers de terre et un petit escargot local, le Bulime octoné. En tant que prédateur des animaux du sol, Amaga expatria représente donc une menace potentielle pour la biodiversité: "dans un sol, il y a une faune locale qui joue un rôle. Si vous y ajoutez un énorme prédateur qui mange tout, ça crée un déséquilibre", explique Jean-Lou Justine.
On ignore cependant encore la quantité qu'Amaga expatria ingurgite chaque jour. "Mais on pense qu'elle mange en proportion de sa taille, spectaculaire. Si on met un loup dans une bergerie, il ne faut pas être un grand scientifique pour savoir que le nombre de moutons va diminuer", commente-t-il.
Il n'existe pas non plus encore de preuve que la bestiole ait déjà proliféré, mais le fait qu'elle ait été identifiée dans une vingtaine d'endroits différents n'est pas bon signe, ajoute le chercheur qui s'attend à une multiplication des signalements dans les mois qui viennent.
Il est quasiment impossible de se débarrasser de ces créatures. Mais pour freiner leur expansion, "on peut déjà éviter le transport de pots de fleurs", conclut-il.