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Laurent Marti, dont le club Bordeaux-Bègles est en grand danger financier selon un rapport de la Direction nationale d'aide et de contrôle de gestion (DNACG), estime dans un entretien à l'AFP qu'il faut agir sur la masse salariale des joueurs pour "sauver le rugby français".
Q: Quel est votre sentiment après la sortie du rapport alarmiste de la DNACG qui cible neuf clubs de Top 14 et sept de Pro D2 ?
R: "Je suis le premier président qui a tiré la sonnette d'alarme donc je suis ravi de voir que la DNACG met ça au grand jour. Mais il faut prendre les sujets dans l'ordre. Une grande majorité des présidents veulent finir la saison et veulent jouer des phases finales et si possible trouver des formules pour que cela ne soit pas à huis clos. Ca, c'est la priorité. Il n'empêche que l'on peut réfléchir au second aspect de cette crise: l'année prochaine, on va clairement être face à des grandes complications sur le plan financier. Il ne faut pas les ignorer et il faudra que tout le monde joue le jeu sinon il y a aura de la casse".
Q: Comment finir la saison avec du public sachant que les rassemblements ne seront pas autorisés avant mi-juillet ?
R: "Peut-être qu'il faut repousser la fin du Top 14 encore plus loin. Ca ne veut pas dire que le 18 juillet (date envisagée pour la finale, ndlr) tombe à l'eau. Je ne sais pas encore ce qui va être débattu et voté mais il faut envisager toutes les options. On doit sauver le rugby français. Sur la question des huis clos, ils vont durer jusqu'à quand ? Il ne faut pas se focaliser sur les huis clos des phases finales, il faut se demander jusqu'à quand on va jouer à huis clos. Qui vous dit que cela ne va pas être reporté jusqu'à fin septembre, fin d'année ? On ne sait pas".
Q: Comment remédier à vos problèmes actuels ? Il y a plusieurs pistes évoquées ici et là...
R: "Mais il faut arrêter de tourner autour du pot et de se mentir. La charge d'un club, à 80 %, c'est la masse salariale joueurs. Et déjà avant la crise, le rugby français dans sa globalité était déficitaire. Je pense que je fais partie de ceux qui l'ont assez dit et qui ont lutté vent debout pour que l'on ne touche pas au salary cap, et surtout qu'on ne l'augmente pas. Parce que chaque année, il y avait quand même des manœuvres pour essayer de l'augmenter directement ou indirectement et heureusement que cela n'a pas eu lieu. La première et principale variable d'ajustement, c'est la masse salariale joueurs. On ne va pas virer deux administratifs avec des petits salaires pour régler nos problèmes. Il faut faire les choses dans l'ordre: d'abord jouer la carte de la transparence, être à livre ouvert avec les joueurs et se battre nous sur le terrain, du président jusqu'au commercial, pour faire en sorte qu'il y ait le plus d'entrées d'argent possibles. Mais on ne va pas pouvoir faire de miracle. Si les entreprises souffrent, j'imagine que ce sera dur pour qu'elles nous donnent beaucoup d'argent. Il faudra aussi peut-être que le ministère des Sports comprenne qu'il faut nous aider, par des exonérations de charges ou des aides diverses et variées et à nous ensuite de rentrer le plus d'argent possible et aux joueurs de comprendre que ce sera peut-être ça ou des clubs qui disparaissent".
Q: Comment voyez-vous la suite ?
R: "Il n'y aura pas de suite s'il n'y a pas de prise de conscience générale, tout simplement. Sauf ceux qui sont adossés à des milliardaires, mécènes ou des multinationales, je ne vois pas les autres trouver des solutions pour compenser des millions d'euros de perte, ce n'est pas possible. Il faudra que tout le monde prenne ses responsabilités".
Q: Vous pensez vraiment que des clubs peuvent disparaitre ?
R: "Rendez-vous en septembre. D'habitude, quand tu arrives au 15 juillet, à 90 %, tu connais tes partenaires. Ce ne sera peut-être pas le cas cette année, peut-être qu'on ne le saura plus qu'en septembre, quand les entreprises y verront plus clair".