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A Paris, des réfugiés ukrainiens entre soulagement et angoisse

Irina, 69 ans, dévore le bol de céréales au chocolat posé sur ses genoux. Son premier repas depuis qu'elle a quitté son Ukraine natale pour se retrouver à Paris: "J'ai fui sans regarder où j'allais. Je voulais juste qu'on ne me tue pas".

Cheveux gris, yeux bleus hagards, manteau sombre qui lui tombe jusqu'aux pieds, celle qui habitait il y a une semaine encore dans un village près de Dnipro (centre) ne s'explique toujours pas comment elle se retrouve ce lundi matin dans un centre d'accueil pour les réfugiés ukrainiens à Paris.

Quelques jours après le début de l'invasion russe, elle a quitté sa région avec son fils, assis à son côté, vers la Pologne, d'où un bus a fini par la déposer devant ce centre baptisé "Accueil Ukraine", dans le nord de la capitale.

En France, elle n'a "ni famille, ni amis", dit-elle. Mais son avenir s'écrit là: "Rentrer ? Et qu'est-ce que je vais retrouver là-bas ?"

Dans le centre d'accueil géré par l'association France terre d'asile (FTDA), 200 personnes viennent chaque jour depuis jeudi trouver de l'aide et une place d'hébergement d'urgence.

"Les hôtels sont mobilisés au fur et à mesure des arrivées. Tous les jours, les capacités d'accueil augmentent au regard des besoins", souligne Delphine Rouilleault, directrice générale de FTDA.

- "Je veux rentrer"...

Svetlana Sniegur et ses parents âgés, arrivés la veille, ne demandent rien de plus.

Eux aussi ont quitté Dnipro il y a cinq jours, huit ans après avoir déjà fui Donetsk, un des territoires séparatistes prorusses.

Une fois en Pologne, la fille de Svetlana, Maria Sniegur, architecte depuis quatre ans à Paris, les attendait en voiture.

Svetlana Sniegur remercie "le peuple français" qui les accueille "avec bienveillance". Elle compte même apprendre le français. Mais la famille espère retrouver l'Ukraine au plus vite: "J'espère la victoire. Je veux rentrer chez moi, c'est ma terre. Je ne veux pas rester ici".

Dans l'immédiat, explique-t-elle les yeux humides, les Ukrainiens auront aussi besoin d'une aide "psychologique", après "les horreurs" commises par les "agresseurs terroristes" russes.

Sur les 1,5 million d'Ukrainiens qui ont déjà fui la guerre, seuls 4.000 environ sont arrivés en France, selon le ministère de l'Intérieur.

Après un accord historique des 27, ils bénéficient dans l'Union européenne d'une "protection temporaire", ce qui les exonère d'une demande d'asile pour se trouver en situation régulière.

C'est pour "ouvrir droit à cette protection" que des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) et de la préfecture de police vont s'installer dès mardi dans le lieu d'accueil, a indiqué Didier Leschi, patron de l'Ofii.

"Cette protection pour six mois renouvelables jusqu'à trois ans offre plus de choses que le statut de demandeur d'asile", souligne-t-il, en particulier l'accès immédiat aux soins (protection universelle maladie) et au marché du travail.

- ..."si l'Ukraine reste l'Ukraine"

Ils pourront également toucher l'allocation pour demandeur d'asile (Ada, entre 6 et 14 euros par jour).

"L'idée est qu'une personne qui se présente le matin ressorte le soir avec une proposition d'hébergement, une carte Ada et une autorisation provisoire de séjour", reprend Delphine Rouilleault.

Une disposition qui s'applique également aux non-Ukrainiens qui résidaient de longue date dans le pays, au début du conflit.

Un soulagement pour Moussa Kanté, Malien qui a quitté Kharkiv (deuxième ville du pays) lundi dernier avec sa femme ukrainienne Yana et leur fille de 4 ans.

"On est partis quand les bombardements sont devenus trop intenses. Vivre là-bas n'était plus possible", raconte ce père de 33 ans.

Il a une soeur en France et parle français. La famille a roulé jusqu'à 01h00 du matin dans la nuit de dimanche à lundi. "Dix ans d'une vie construite qu'on a abandonnée en une journée", résume-t-il.

"On est soulagés d'être là, mais inquiets pour ceux qui n'ont pas pu partir et dont on est sans nouvelles", dit-il, tandis que sa femme reste prostrée.

Pour eux aussi, un retour en Ukraine reste la priorité.

"Si l'Ukraine reste l'Ukraine", nuance-t-il. "Sous les Russes, ce n'est même pas la peine."

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