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Pour sa soeur, "personne n'a intérêt" à ce qu'Alaa Abdel Fattah meure

"Personne n'a intérêt à ce qu'Alaa Abdel Fattah meure en prison": à la COP27 en Egypte, Sanaa Seif appelle les dirigeants du monde entier à sauver son frère, le prisonnier politique le plus célèbre du pays, en grève de la faim depuis sept mois.

"On parle d'un innocent qui a passé injustement neuf ans en prison", affirme la réalisatrice et militante des droits humains dans un entretien avec l'AFP à Charm el-Cheikh, où elle est arrivée lundi après plusieurs jours de sit-in devant le ministère britannique des Affaires étrangères.

Car Alaa Abdel Fattah, icône de la révolution de 2011 en Egypte qui renversa Hosni Moubarak, est récemment devenu citoyen de Grande-Bretagne, une nationalité à laquelle il a droit puisque sa mère, la mathématicienne et militante Laila Soueif, y est née.

Depuis, Sanaa, son autre soeur Mona, sa mère et sa tante, l'écrivaine Ahdaf Soueif, n'en finissent plus de frapper à toutes les portes pour sauver Alaa Abdel Fattah, 40 ans, dont quasiment dix passés derrière les barreaux.

- "Pas oublier Alaa" -

"Il faut que des gens sensés interviennent", plaide Sanaa Seif. "Je place mes espoirs dans la délégation britannique parce qu'en tant que soeur, je ne peux pas baisser les bras ou me dire que mon frère va mourir".

Entrer à Charm el-Cheikh, où chaque passeport et chaque badge est scanné de multiples fois par les forces de sécurité égyptiennes, régulièrement pointées du doigt pour les restrictions de circulation imposées aux opposants, était un risque, reconnaît Sanaa Seif.

"J'avoue, j'ai eu peur de venir" à la COP27 "mais c'est notre dernier recours", dit la jeune femme, cheveux bouclés encadrant son visage et lunettes sur le nez.

"Je suis venue pour qu'Alaa ne soit pas oublié. Je veux rappeler aux responsables égyptiens comme britanniques que ma présence signifie que quelqu'un est en train de mourir et qu'il est possible de le sauver", affirme-t-elle.

Les dirigeants des deux pays se sont bien vus lundi soir. Le président Sissi, le quatrième chef d'Etat égyptien à incarcérer Alaa Abdel Fattah, a rencontré le Premier ministre britannique Rishi Sunak après que tous deux se sont adressés aux dizaines de milliers de participants à la COP27.

M. Sunak a dit au président égyptien espérer que la question "soit résolue au plus vite", alors que les militants des droits humains annonçaient dimanche qu'Alaa Abdel Fattah ne vivrait sûrement pas plus de trois jours sans nourriture ni eau.

L'Egypte, elle, reste sur sa ligne: Alaa Abdel Fattah a été jugé et condamné et doit purger sa peine de cinq ans de prison prononcée fin 2021 pour "diffusion de fausses informations".

- "Pas perdre espoir" -

"La façon dont son cas est géré ne fait qu'accélérer la déstabilisation du régime", prévient Sanaa Seif.

L'Egypte comptait "utiliser (la COP27) pour faire oublier sa mauvaise réputation en termes de droits humains", accuse-t-elle. Mais militants, politiciens, artistes ou défenseurs des droits humains ont été nombreux à s'emparer de la cause d'Alaa Abdel Fattah et des plus de 60.000 prisonniers politiques d'Egypte à Charm el-Cheikh et ailleurs.

Lundi, trois journalistes égyptiennes ont ainsi entamé une grève de la faim au syndicat des journalistes dans le centre du Caire pour réclamer leur libération.

Mais jusqu'ici personne ne sait dans quel état se trouve Alaa Abdel Fattah, après avoir bu sa dernière gorgée d'eau dimanche matin.

Lundi matin, "ma mère est allée attendre à l'extérieur de la prison pour prendre de ses nouvelles après 24 heures passées sans eau", rapporte Sanaa Seif.

Elle est repartie tard le soir sans avoir pu obtenir une lettre de son fils, ou tout autre signe de vie, ni lui faire passer les vêtements et les livres qu'elle lui dépose chaque semaine.

"J'y retourne demain matin et j'espère revenir avec de meilleures nouvelles", lâche Laila Soueif dans une vidéo publiée tard lundi, sur le chemin du retour de la prison à 100 kilomètres du Caire.

Maintenant, soupire Sanaa Seif, "la balle est dans le camp des politiciens, c'est à eux de faire leur travail".

"Nous, on continue le combat et on ne doit pas perdre espoir".

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