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Guatemala: un patron de presse critique du président condamné à dix jours des élections

Un patron de presse, critique féroce du président guatémaltèque Alejandro Giammattei, a été condamné mercredi à six ans de prison, dix jours seulement avant le premier tour des élections qui doivent désigner le successeur du chef de l'Etat.

"Je suis innocent et (le président Giammattei) continue d'être un voleur", a lancé José Ruben Zamora après sa condamnation par un tribunal de Guatemala.

Pour l'accusation, M. Zamora a tenté de blanchir l'équivalent de quelque 37.500 dollars, "provenant de chantages et d'extorsions" au préjudice d'hommes d'affaires à qui il aurait promis en échange de ne pas publier des informations compromettantes.

Le journaliste assure que cette somme d'argent provient de la vente d'une oeuvre d'art afin de tenter de renflouer son journal en difficulté.

Pour le patron et fondateur d'El Periodico, le président Giammattei et la procureure générale Consuelo Porras, inscrite par les Etats-Unis sur une liste de personnalités corrompues, ont monté l'accusation de toutes pièces afin de le réduire au silence, comme son journal, après la publication d'enquêtes sur des affaires de corruption impliquant le gouvernement.

M. Zamora, âgé de 66 ans, a annoncé son intention de faire appel de sa condamnation et de poursuivre le combat juridique jusqu'à la Cour interaméricaine des droits de l'Homme si nécessaire.

- Maximum des peines -

Le procureur Rafael Curruchiche a lui aussi indiqué qu'il introduirait un recours car il avait requis 40 années de prison, soit le maximum des peines prévues, pour trois chefs d'accusation: blanchiment d'argent, chantage et trafic d'influence.

A son arrivée au tribunal, menottes aux poignets, le journaliste, détenu depuis près de 11 mois, a annoncé que son épouse, Minayu Marroquin, avait quitté la veille le Guatemala pour rejoindre leur fils exilé aux Etats-Unis, afin d'éviter d'être arrêtée.

Huit journalistes ou éditorialistes d'El Periodico sont également visés dans le cadre d'une autre instruction ouverte contre M. Zamora, accusé cette fois d'obstruction à une enquête pour blanchiment d'argent. Plusieurs se sont également réfugies à l'étranger.

El Periodico, fondé en 1996 par M. Zamora et qui était publié seulement sur internet depuis décembre, a cessé toute activité le 15 mai en invoquant la "persécution pénale et la pression économique" exercées à son égard.

Le 25 juin aura lieu le premier tour de la présidentielle dont la campagne est empoisonnée par l'éviction de plusieurs favoris, ce qui sème le doute sur l'impartialité des institutions, accusées de manœuvrer pour préserver un régime autoritaire et corrompu fondé sur la cooptation par les élites dirigeantes.

Pour de nombreux analystes, le pays vit un recul démocratique depuis qu'il a été mis fin de manière anticipée en 2019 à la mission onusienne anti-corruption CICIG, sur ordre du précédent président Jimmy Morales (2016-2020), lui-même dans son collimateur.

La CICIG avait mis au jour de retentissantes affaires de corruption, menant même à la démission en 2015 du président Otto Pérez.

Depuis l'arrivée au pouvoir de M. Giammattei plusieurs procureurs anti-corruption qui avaient travaillé avec la mission onusienne ont été arrêtés, tandis que d'autres ont pris le chemin de l'exil.

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