Accueil Actu Monde International

"On dirait Alice aux pays des merveilles": une célèbre journaliste américaine nous résume la course à la présidence des Etats-Unis

Le 5 novembre prochain, les Américains ont rendez-vous avec leur avenir politique alors qu'ils éliront leur 47e président. Pour mieux appréhender les enjeux de cette élection présidentielle majeure, des experts des États-Unis nous éclairent sur les enjeux de ce scrutin. 

Les élections américaines approchent à grands pas. D'ici quelques semaines, de nombreux Américains devront faire un choix crucial. Un choix qui pourra changer la face de leur pays, en novembre prochain. Que pensent-ils de cette course à la présidentielle ?

Keven Ann Willey est une femme passionnée. Vice-présidente du Dallas Morning News, elle a également été durant plus de dix ans membre du comité du Prix Pullitzer. Cette dernière a rarement vu une campagne présidentielle aussi mouvementée : "C’est difficile d’imaginer quelque chose d’aussi incroyable ces dernières semaines. On dirait Alice aux pays des merveilles, si vous vous souvenez du film. Ce personnage qui perd la tête, qui tourne sur elle-même. Ça ressemble à ça : un ancien président qui est presque assassiné, un président qui se retire de la course. C’est tumultueux !".

Vous avez été témoin de tout ça. Comment vous êtes vous sentie ?

Stressée, très stressée de regarder tout ça. D’abord, c’était difficile parce que Joe Biden a été un très bon président, je trouve. Il a fait passer des lois importantes, l’économie a bien progressé pendant son mandat.

Mais il vieillit et sa performance au dernier débat n’était pas bonne et les choses se sont accélérées après ça. Et on ne parlait plus que de son âge, et à quoi il ressemblerait s’il devait encore faire un mandat. C’étaient des questions comme, "à quel point est-il sénile ?". Je pense qu’il a pris la bonne décision de se retirer. Une décision audacieuse.

Il a mis son pays devant ses ambitions personnelles. Une chose que Donald Trump ne pourrait même pas imaginer, il ne sait pas comment mettre le bien public devant ses ambitions. Je pense que pour Joe Biden, ça a été très difficile, mais il a pris la bonne décision.

Vous pensez que s’il ne s’était pas retiré, Joe Biden aurait pu perdre l’élection ?

C’est difficile à dire. Je trouvais qu’il avait une stabilité, qu’il avait apporté au pays. Il s’entourait des bonnes personnes. Et cela pourrait jouer en sa faveur, mais après sa performance au débat, ça a tout changé, ça a anéanti sa campagne, donc je pense que oui, il aurait perdu face à Donald Trump. Et là, il a laissé sa place à Kamala Harris. Elle a une chance. On a une vraie campagne, une vraie compétition.

Kamala Harris est-elle la solution ?

Pour le moment, oui. Cela dit, si Biden avait pris sa décision plus tôt, de se retirer, ça aurait été mieux. Parce que les autres démocrates auraient pu essayer d’être désignés, et le meilleur d’entre eux aurait été élu. Mais il a attendu trop longtemps pour se retirer et donc, il n’y avait plus de place pour d’autres candidats. Elle était donc la candidate logique, en tant que vice-présidente.

Elle est vraiment la bonne personne, à ce moment préci. Elle incarne une vraie alternative. Elle est bien positionnée dans cette campagne, j’ai été agréablement surprise, elle stimule les femmes, les jeunes, les communautés afro-américaines, d’une manière que je n’ai jamais vu avant, dans mes 38 ans de carrière en journalisme.

Le challenge, c’est celui-ci : peut-elle garder cette énergie jusqu’en novembre ? Elle fait tout correctement pour le moment, mais peut-elle se maintenir pendant deux mois ?

Kamala Harris a-t-elle une chance face à Trump ?

Oui, je pense qu’elle a une chance ! Alors, c’est vrai, on n’en est pas sûr, mais je pense qu’elle a une vraie chance. Hillary Clinton, elle a été la première candidate femme à eu du mal, mais Kamala, c’est différent. Le fait que ce soit une femme n’est plus quelque chose de nouveau. On peut donc vraiment se concentrer sur la politique, la manière de gouverner, et non plus sur le genre.

Que va-t-il se passer aux États-Unis, selon vous, si Donald Trump remporte cette élection ?

Je pense que ça sera un désastre. À la fois aux États-Unis mais ailleurs aussi. S'il est élu, il va travailler pour enrichir ses riches amis et alliés. Il va aussi donner du pouvoir à des tyrans, comme Poutine. Le monde va devenir encore plus instable qu’il ne l’est aujourd’hui.

Avez-vous déjà vu deux candidats aussi différents qui s’opposent ?

Non… Quand je réfléchis à toutes les campagnes que j’ai pu couvrir, aussi intéressantes soient-elles, je trouve qu’elles n’ont pas été aussi intenses que celle-ci. Pour plein de raisons.

D’abord, Donald Trump est vraiment une personne étrange, il fait ressortir le pire chez les gens. En face, on a un gentleman, Joe Biden, qui s’est retiré, et une femme, Kamala Harris, qui stimule tellement de communautés. C’est vraiment inhabituel.

Vous croisez les doigts pour qu’elle soit élue. Si ce n’est pas le cas, vous allez déménager hors des États-Unis ?

C’est une bonne question, parce que je ne veux pas être accusée d’hyperbole, d’exagération. Mais je suis vraiment inquiète pour l’avenir des États-Unis si Donald Trump est réélu et l’avenir du monde. Donc je considérerai sérieusement de venir en Belgique avec mon mari dans ce cas.

À quoi ressemblent les États-Unis aujourd'hui ?

C’est une population divisée ? C’est un autre problème avec Donald Trump. Il sépare les gens, sa rhétorique, son langage, tout est basé sur la peur et la colère. Ça conduit les gens à se diviser, il n’y a pas de place pour le compromis. Or, on a besoin d’avoir un leader qui rassemble les gens.

C’est normal d’avoir des divergences d’opinions, on devrait pouvoir en débattre dans le respect pour ensuite agir. On a besoin d’un leader comme ça, qui peut faire ressortir le meilleur de l’Amérique, pas le pire.

Que va-t-il se passer, selon vous, si Donald Trump remporte cette élection ?

Oh mon Dieu ! Ça fait peur. Il va accuser l’élection d’être corrompue. Il va refuser d’accepter les résultats, je suis sûr. Mon espoir est que ses supporters se rendent compte de la réalité et le lâchent. Certains l’ont déjà fait, certains républicains ont annoncé qu’ils allaient voter démocrate. On verra si d’autres le font.

On va aussi être attentif aux Swing States. Vous vivez d’ailleurs dans l’un de ces états clés…

On vit en Arizona, historiquement c’était républicain. Puis c’est devenu centriste de plus en plus. C’est vraiment un État décisif dans l’élection.

 

 

À lire aussi

Sélectionné pour vous