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Des Afghanes défient les talibans face à l'interdiction de faire entendre leurs voix

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Dibyangshu SARKAR

Elles se filment en train de chanter, ne montrant qu'un petit bout de leur visage : des dizaines d'Afghanes participent à un mouvement de protestation en ligne contre une nouvelle loi interdisant aux femmes de faire entendre leur voix en public.

Le gouvernement taliban a annoncé la semaine dernière la promulgation fin juillet d'une loi pour "promouvoir la vertu et prévenir le vice", en conformité avec la charia (loi islamique).

Cette loi comporte 35 articles avec une série d'obligations, notamment vestimentaires, et d'interdictions pour les femmes dont celle de chanter ou de réciter de la poésie en public.

En réponse, des femmes afghanes à l'intérieur de leur pays et à l'étranger ont posté sur les réseaux sociaux des vidéos d'elles-mêmes en train de chanter, avec des mentions comme "ma voix n'est pas interdite" et "non aux talibans".

- Des restrictions "inacceptables" -

Dans l'une de ces vidéos, qui aurait été filmée en Afghanistan même, une femme chante vêtue de noir des pieds à la tête, un long voile couvrant son visage.

"Vous m'avez réduite au silence pour les années à venir", lance-t-elle, "vous m'avez emprisonnée chez moi pour le seul crime d'être une femme".

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Dibyangshu SARKAR

Zala Zazai, une ancienne policière qui vit en Pologne, a partagé une vidéo d'elle-même chantant une chanson d'Aryana Sayeed, une artiste afghane connue, sur la résilience des Afghanes.

Les restrictions imposées aux femmes en Afghanistan sont "inacceptables", a-t-elle dit à l'AFP, avant d'ajouter: "les Afghanes ont fini par comprendre que les misogynes ne peuvent plus nier nos droits humains au nom de la religion et de la culture. Et nos voix qui réclament nos droits ne seront jamais réduites au silence".

- "La voix de la justice" -

Des groupes de militantes ont posté des vidéos dans lesquelles on les voit le poing levé ou déchirant des photos du chef suprême des talibans, l'émir Hibatullah Akhundzada, qui règne sur l'Afghanistan par décrets de son fief de Kandahar (sud).

"La voix d'une femme, c'est la voix de la justice", scande un groupe de militantes dans une autre vidéo.

Sur X, Taiba Sulaimani chante tout en ajustant son voile devant un miroir : "la voix d'une femme est son identité, pas quelque chose qui devrait être caché".

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Wakil KOHSAR

La nouvelle loi dispose que les Afghanes ne peuvent pas non plus laisser le son de leur voix dépasser les murs de leur maison.

"Lorsqu'une femme adulte doit quitter sa maison par nécessité, il lui est demandé de couvrir son visage, son corps et sa voix", prévoit la loi en utilisant le terme de droit islamique "'awra" désignant les parties du corps humain à cacher.

Pour le principal porte-parole du gouvernement taliban, Zabihullah Mujahid, les critiques contre cette loi sont les révélateurs d'une "arrogance" et d'une mauvaise compréhension de la charia.

- "Ombres sans voix" -

Mardi, l'ONU a appelé à l'abrogation de cette loi, la qualifiant de "totalement intolérable".

Celle-ci "renforce les politiques qui effacent complètement la présence des femmes dans l'espace public, réduisant leur voix au silence et les privant de leur autonomie individuelle, tentant ainsi de les réduire à l'état d'ombres sans visage et sans voix", a lancé la porte-parole du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, Ravina Shamdasani.

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OMER ABRAR

Des organisations de défense des droits humains ont également fait part de leurs préoccupations concernant cette loi dont certaines dispositions sont déjà en vigueur d'une manière informelle depuis que les talibans se sont emparés du pouvoir en août 2021.

Les autorités talibanes ont quant à elles affirmé lundi que la nouvelle loi serait appliquée "avec ménagement".

Les femmes ont été les premières à subir les restrictions imposées par le nouveau gouvernement afghan, notamment en matière d'accès à l'éducation, aux espaces publics et à certains emplois, que l'ONU a qualifiées d'"apartheid sexuel".

Les Afghans n'ont pas le droit de regarder des personnes du sexe opposé autres que des parents proches et les chauffeurs de taxi de transporter des femmes voyageant sans "mahram" (chaperon, un homme de leur famille).

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