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Au Havre, Macron et Philippe affichent leur complicité malgré une mésentente latente

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Benoit Tessier

Emmanuel Macron et Edouard Philippe se sont offert un bain de foule commun, jeudi au Havre, où ils ont affiché une certaine complicité au moment où leur mésentente latente refait surface avec la candidature du second à la succession du premier.

Quand le chef de l'Etat s'élance vers les Havrais venus assister aux commémorations de la libération du port normand du joug nazi, en septembre 1944, le maire de la ville reste d'abord en retrait. Quelques pas en arrière, comme à distance.

Puis, par moments, il se rapproche du président, qui enchaîne les selfies. L'atmosphère se détend quand l'ex-Premier ministre raconte, amusé, à Emmanuel Macron l'échange qu'il vient d'avoir avec un enfant: "Je lui ai dit +la rentrée ça rigole pas+, et il me répond +la vôtre non plus, ça rigole pas+!".

Leur rentrée, de fait, a été particulière.

Le président l'a passée à chercher un Premier ministre susceptible de résoudre le casse-tête d'une Assemblée nationale sans majorité depuis sa dissolution controversée.

Edouard Philippe, lui, a créé la surprise en annonçant pendant ce temps-là, le 3 septembre dans Le Point, sa candidature du Havrais "à la prochaine présidentielle".

Ses ambitions n'étaient un mystère pour personne, et Emmanuel Macron ne peut de toutes manières pas briguer un troisième mandat. Pourtant, il a été "surpris" par l'interview, de l'aveu d'un proche. Par son timing "décalé", et par sa formulation, le néo-candidat s'étant dit prêt y compris en cas de présidentielle anticipée -- autrement dit de démission du locataire de l'Elysée.

"Je ne suis pas du genre à lâcher l'affaire", a glissé ces derniers jours, en petit comité, l'actuel président, faisant savoir que sa succession ne serait en jeu qu'en 2027, au bout de son mandat. De son côté, l'ex-proche d'Alain Juppé a réfuté toute "entreprise de déstabilisation".

- "Dans le bon ordre" -

Du coup, l'heure est aux bons sentiments exprimés en public.

Soutient-il cette première candidature officielle d'un de ses héritiers putatifs, lui qui est désormais en froid aussi avec Gabriel Attal, autre ancien chef du gouvernement et autre dauphin possible? "J'ai choisi Edouard Philippe il y a sept ans car j'ai confiance en lui. Il a été un Premier ministre formidable à mes côtés", répond d'abord Emmanuel Macron à des journalistes.

Mais ce n'est pas tout à fait un adoubement. "Maintenant, moi, je suis surtout concentré sur ce qui se passe aujourd'hui et je veux que le pays réussisse. On ne va pas se mettre en mode pause jusqu'en 2027", complète-t-il, disant vouloir "faire les choses dans le bon ordre".

Les deux hommes s'en vont ensuite vers l'hôtel de ville, l'un passant la main dans le dos de l'autre, pour un échange à huis clos. L'occasion de purger le passif d'une relation qui semble s'envenimer à mesure qu'approche la fin du quinquennat.

Jusque-là, la séquence a été protocolaire, ponctuée de poignées de mains longues et chaleureuses.

Dans son discours, Emmanuel Macron a reconnu la "déchirure" des bombardements alliés qui ont ravagé cette "ville sacrifiée pour libérer" la France. Au même pupitre, celui qui accompagne tous les déplacements élyséens, Edouard Philippe l'a "remercié sincèrement" de manifester par sa présence "l'importance que la Nation accorde désormais" à cet épisode douloureux.

- "L'inverse" -

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Dimitar DILKOFF

L'invitation remonte au printemps.

Une éternité: c'était avant cette dissolution "mal pensée, mal expliquée, mal préparée", par laquelle Emmanuel Macron "a tué la majorité présidentielle", selon les mots d'Edouard Philippe, d'une dureté rare venant d'un "ami" politique.

Cette dissolution qui a précipité son émancipation, lui qui s'est montré incapable, mercredi sur BFMTV, d'affirmer qu'il appartient bien toujours au "camp présidentiel".

Depuis que le chef de l'Etat s'est séparé de lui en juillet 2020, l'ex-Premier ministre, qui n'a jamais adhéré au parti présidentiel mais a fondé le sien, Horizons, se dit "loyal mais libre".

Edouard Philippe ne cache plus les divergences avec son ancien patron. "Généralement, quand je lui donne un conseil, il fait l'inverse", lâche-t-il en juillet.

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Ludovic MARIN

Surtout, il apporte un soutien enthousiaste à Michel Barnier, cet autre baron de la droite qu'Emmanuel Macron vient de nommer à Matignon et que les macronistes regardent avec circonspection. Une nomination laborieuse, contestée jusque dans l'aile gauche de la Macronie car en décalage avec un scrutin qui a placé la gauche en tête.

"Le résultat des élections il faut le respecter, c'est la moindre des choses", interpelle d'ailleurs un homme dans la foule, avant de lancer au président: "vous êtes otage du Rassemblement national!".

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