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Le procès des viols de Mazan a été officiellement suspendu, jusqu'à lundi, dans l'attente du retour de Dominique Pelicot, malade, a annoncé jeudi le président de la cour criminelle du Vaucluse, envisageant même un renvoi pur et simple de ce dossier si Dominique Pelicot était "durablement indisponible".
"Soit Pelicot est là (lundi), et on continue. S'il n'est pas là pour un, deux ou trois jours, on prolongera la suspension", a d'abord déclaré Roger Arata.
"Mais s'il est durablement indisponible, c'est le renvoi de l'affaire", a-t-il poursuivi, jetant le trouble parmi les avocats de la défense et des parties civiles, alors que le calendrier initial de cette affaire entamée le 2 septembre et censée être jugée jusqu'au 20 décembre avait déjà pris un gros retard.
"Comprenne qui pourra", a ainsi réagi Me Antoine Camus, l'un des deux avocats des parties civiles, Gisèle Pelicot, la principale victime dans ce dossier, et les trois enfants du couple.
S'il s'agit d'un renvoi, alors "il faut tout refixer, un agenda, la disponibilité de la salle, du tribunal, etc. Et quid de ceux qui sont en détention ? Parce qu'à ce moment-là, je peux supposer qu'il y aura des demandes de mise en liberté", a assuré Me Béatrice Zavarro, l'avocate de Dominique Pelicot, ce septuagénaire qui pendant dix ans avait drogué sa femme aux anxiolytiques pour ensuite la violer et la faire violer par des dizaines d'hommes recrutés sur Internet.
Interrogé par l'AFP, le parquet d'Avignon a confirmé que dans l'hypothèse d'un renvoi il "faudrait un nouvel audiencement" du procès à une date ultérieure.
Aux côtés de Dominique Pelicot, 50 hommes, âgés de 26 à 74 ans, sont jugés à Avignon, pour la plupart poursuivis pour viols aggravés, des faits pour lesquels ils encourent 20 ans de réclusion criminelle. Dix-huit de ces accusés, dont Dominique Pelicot, comparaissent détenus. Trente-deux autres comparaissent libres, le dernier, en fuite, étant jugé in absentia.
Tout est donc désormais suspendu à l'état de santé du principal accusé, 71 ans, visiblement souffrant depuis le début de la semaine et dispensé d'audiences depuis quatre jours maintenant.
- "La honte change de camp" -
En moins de deux semaines, le procès avait déjà accumulé les retards. Si la fille et les deux belles filles de l'accusé principal, elles aussi victimes --leur père et beau-père les avaient photographiées nues, à leur insu, et avaient diffusé sur les réseaux sociaux des photomontages pornographiques les mettant en scène--, avaient déjà été entendues, ses deux fils eux n'avaient pu prendre la parole.
De même, Gisèle Pelicot, désormais ex-épouse de l'accusé, devait poursuivre sa déposition.
En annonçant la suspension du procès, le président Arata a précisé que si les débats reprenaient lundi, on entendrait d'abord les enfants du couple, puis à nouveau madame Pelicot. Ce serait ensuite au tour de Pierre P., le gendre du couple, et enfin de Joël Pelicot, le frère de l'accusé.
Ce qui reporterait à mardi la première prise de parole de Dominique Pelicot lui-même.
Jusque-là, celui-ci avait seulement été entendu le 2 septembre, à l'ouverture du procès, pour dire qu'il reconnaissait les faits et que son domicile était désormais la prison.
Les jours suivants, la cour pourrait alors en venir à l'examen des faits concernant un premier groupe de quatre coaccusés, Jean-Pierre M., 63 ans, Jacques C., 72 ans, Lionel R., 44 ans, et Cyrille D., 54 ans.
Le "groupe 2" de sept autres coaccusés, qui était prévu à partir de lundi, soit la semaine 38, sera lui reporté à la semaine 46, à partir du mardi 12 novembre, a d'ores et déjà prévenu M. Arata.
Jeudi, les débats avaient repris à Avignon, en l'absence donc de Dominique Pelicot mais aussi de sa famille, uniquement représentée par ses avocats. Et c'est Annabelle Montagne, experte psychologue, qui est venue à la barre, pour terminer le portrait psychologique des quatre premiers coaccusés.
Les faits visant Mme Pelicot, au domicile même du couple, à Mazan (Vaucluse), avaient éclaté au grand jour après que son mari avait été interpellé en train de filmer sous les jupes de trois femmes, dans un centre commercial de Carpentras (Vaucluse). En fouillant dans son ordinateur, les enquêteurs avaient alors découvert cette décennie de viols, photographiés, filmés et minutieusement légendés et archivés par l'accusé.
Couvert par des médias du monde entier, devenu le symbole de la question des viols sous soumission chimique, ce procès des viols de Mazan est aussi pris en exemple par les mouvements féministes pour relancer le débat sur la question du consentement.
Et Mme Pelicot, qui avait elle même refusé que ce dossier soit jugé à huis clos, est en train de devenir une figure de la lutte contre les violences sexuelles.
Son visage stylisé, avec le slogan "La honte change de camp", est ainsi utilisé pour un appel à manifester vendredi à 13H00 à Avignon, "contre la culture du viol". De nombreux appels à manifester ont également été lancés pour samedi à travers la France, en soutien à Gisèle Pelicot et à toutes les victimes de viols.