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La famille de Robert Badinter ne souhaite pas la présence du Rassemblement national et de La France insoumise à l'hommage national rendu mercredi à l'ex-ministre de la Justice, une demande que respectera le parti d'extrême droite mais pas celui de la gauche radicale.
L'Elysée a fait connaître aux intéressés ce souhait exprimé par la philosophe Elisabeth Badinter, la veuve du père de l'abolition de la peine de mort, a-t-on appris mardi de source proche du dossier.
Tout en soulignant que l'on peut saluer la mémoire d'un "adversaire politique" par "courtoisie républicaine", Marine Le Pen s'est résignée à ne pas participer à l'hommage national qui doit être rendu mercredi à midi place Vendôme à Paris, devant le ministère de la Justice.
"On ne sera pas présents, la famille ne l'a pas souhaité. Je ne vais pas polémiquer", a expliqué mardi la leader d'extrême droite, juste après une minute de silence observée par tous les députés à l'Assemblée nationale. Les deux vice-présidents RN de l'Assemblée, Hélène Laporte et Sébastien Chenu, vont suivre la même ligne.
Les responsables parlementaires, quel que soit leur parti, sont invités aux hommages nationaux conformément au protocole.
A ce titre, LFI a de son côté annoncé qu'elle compte bien y envoyer ses députés Caroline Fiat, vice-présidente de l'Assemblée nationale et Éric Coquerel, président de la commission des Finances. "Un hommage national est un hommage national. Nous y sommes invités, et nous y serons représentés", a affirmé le groupe parlementaire insoumis.
Ce week-end, les responsables insoumis avaient multiplié les éloges à l'endroit du défunt avocat, Jean-Luc Mélenchon publiant encore lundi une tribune dans L'Obs pour saluer une figure qui "s'en tenait en permanence à l'altitude de l'idéal". Mardi, il a regretté un hommage national "dont sont exclus une partie des Français".
A l'inverse, l'extrême droite s'en était tenue au service minimum dans ses hommages à la mémoire de Robert Badinter, figure longtemps honnie pour avoir aboli la peine de mort.
Marine Le Pen s'était fendue d'un message de condoléances tout en retenue, vendredi, rappelant qu'"on pouvait ne pas partager tous les combats" de l'ancien garde des Sceaux.
- "Islamo-gauchisme" -
Une sobriété contrastant avec l'acuité, voire la violence, des combats politiques, voire personnels, entre l'ex-ministre de François Mitterrand et l'extrême droite pendant des décennies.
"Badinter assassin, Badinter démission, Badinter en prison", hurlait encore Jean-Marie Le Pen en 1985 lors d'une manifestation organisée par le Front national à Paris.
En 2017, lorsque Marine Le Pen avait pour la première fois accédé au second tour de la présidentielle, Robert Badinter lui avait reproché de "tourner le dos à l'avenir".
Pourfendeuse des extrêmes, Elisabeth Badinter avait elle lancé "un appel à faire barrage à l'extrême droite" cinq ans plus tard, lors de la réédition du ballotage entre la candidate et Emmanuel Macron.
Mais la colère de l'ex-président du Conseil constitutionnel s'était également portée contre Jean-Luc Mélenchon, qui n'avait pas clairement appelé à voter contre la fille de Jean-Marie Le Pen en 2017.
"S'abstenir aujourd'hui, c'est favoriser l'élection de Mme ?Le Pen. Si c'est un choix tactique, c'est une erreur politique. Si c'est l'expression d'une conviction, c'est plus grave encore", avait-il fustigé.
La méfiance a constamment crû ces dernières années, singulièrement chez Elisabeth Badinter, à mesure que les Insoumis ont été accusés de s'éloigner de la doxa de la gauche universaliste dont elle se réclame.
En octobre, la philosophe cosignait une tribune appelant à "ne pas laisser s'installer dans notre pays un islamo-gauchisme conquérant qui pave la voie à un islamismo-fascisme qui assume l'action violente et le terrorisme".
Elle pointait ensuite mi-novembre, dans un entretien à L'Express, la responsabilité "énorme" de LFI dans la montée de l'antisémitisme en France, à travers une "façon de considérer les Français arabo-musulmans comme les victimes par avance de notre société", une stratégie "honteuse".