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Rachat de Marianne: fin de l'option Stérin rejetée par la rédaction, Lefranc en piste

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JOEL SAGET

Suite du feuilleton Marianne: un rachat par le milliardaire conservateur Pierre-Edouard Stérin a été écarté jeudi, au grand soulagement de sa rédaction, tandis que des "négociations exclusives" ont été entamées avec l'entrepreneur Jean-Martial Lefranc.

"Pierre-Edouard Stérin et nous sommes convenus que la volonté unanime exprimée contre son offre par les salariés rendait impossible de poursuivre notre discussion", a écrit aux représentants du personnel Denis Olivennes, président de CMI France, groupe propriétaire de Marianne.

A l'unanimité, la rédaction avait exprimé fin juin son rejet d'un possible rachat par M. Stérin, après un article du Monde lui prêtant des accointances politiques avec le RN.

En parallèle, l'entrepreneur Jean-Martial Lefranc, 62 ans, a formulé une nouvelle offre de reprise de Marianne, réhaussée à 8,5 millions d'euros, après une première au printemps qui avait été écartée. CMI France est prêt à prendre en charge une partie des coûts de reprise, pour 3 millions, a précisé M. Olivennes dans son message consulté par l'AFP.

M. Lefranc entend "finaliser (son) projet industriel, solide stratégiquement et pérenne financièrement afin de garantir l'indépendance éditoriale et économique du titre", selon un message transmis à l'AFP.

L'entrepreneur a fait carrière dans les jeux vidéo et avait repris le groupe de presse jeunesse Fleurus en 2009. Pour racheter Marianne, il s'est entouré des investisseurs Henri de Bodinat et Joan Beaufort, et le tour de table a vocation à s'élargir.

M. Lefranc est également en lien avec le socialiste Julien Dray, qui n'a toutefois pas de mandat dans ce rachat.

Les "négociations exclusives" devraient durer plusieurs mois, l'information-consultation des instances du personnel devant démarrer en septembre.

M. Lefranc s'est engagé à reprendre les garanties "d'indépendance" de la rédaction de Marianne qu'avaient proposées M. Stérin, souligne le dirigeant de CMI France. La Société des rédacteurs de Marianne a dit jeudi attendre "rapidement une trace écrite" de cet engagement.

Ces garanties du milliardaire catholique conservateur n'avaient pas suffi à convaincre la rédaction.

- "intenable" -

Lors d'un premier vote le 21 juin, elle avait décidé à 60,3% de ne pas s'opposer au rachat par M. Stérin, 104e fortune française et patron de Smartbox (coffrets cadeaux), en négociations exclusives depuis mi-mai avec CMI France, du magnat tchèque Daniel Kretinsky.

Puis le 28 juin, les journalistes avaient entamé une grève reconductible contre un rachat par M. Stérin, après l'article du Monde.

Le quotidien avait avancé que plusieurs candidats aux élections législatives LR favorables à l'alliance avec le RN étaient issus de la "galaxie Stérin". Ils étaient notamment liés au Fonds du bien commun, l'entreprise philanthropique du milliardaire de 50 ans, qui est à la tête du fonds d'investissement Otium Capital.

Le Monde citait aussi le magazine Challenges, selon lequel M. Stérin et le numéro 2 d'Otium, François Durvye, ont racheté en novembre pour 2,5 millions d'euros la propriété familiale des Le Pen à Rueil-Malmaison.

Une journaliste de Marianne a fait part à l'AFP du "soulagement" de la rédaction après l'annonce de jeudi. "Le rachat devenait d'autant intenable", selon elle, après une tribune publiée par M. Stérin dans Le Figaro mercredi.

L’homme d’affaires annonce le lancement de Périclès, un projet devant contribuer à "lever une élite politique" face à une "fabrique des cerveaux de gauche très efficace". Il y observe "les divisions profondes des forces de droite", leur difficulté "à s'unir", et ne s'y résout pas.

"Je respecte profondément les salariés de Marianne, et construire l'avenir du journal sans leur pleine adhésion n'est pas et n'a jamais été dans mon intention. Mon projet était basé sur le maintien de l’équipe et de la ligne. Je souhaite désormais le meilleur à Marianne et à sa rédaction pour la suite", a déclaré M. Stérin dans un communiqué.

Dans son projet, l'ancien ministre socialiste et entrepreneur Arnaud Montebourg était initialement pressenti pour présider le conseil d'administration de l'hebdomadaire, dont la directrice de la rédaction est Natacha Polony.

Marianne, créé en 1997 par les journalistes Jean-François Kahn et Maurice Szafran, défend une ligne éditoriale souverainiste, pro-laïcité, antilibérale en économie et critique des élites.

C'est ce ton qui a incité Daniel Kretinsky, libéral en économie et favorable à la construction européenne, à se séparer du magazine, dans son giron depuis 2018.

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