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Le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé vendredi la signature d'un accord avec Islamabad pour un nouveau programme d'aide de sept milliards de dollars sur trois ans, le gouvernement pakistanais promettant que ce serait le dernier.
Ce programme - le 24e versement pour le Pakistan depuis 1958 - "devrait être considéré comme le dernier", a déclaré le Premier ministre Shehbaz Sharif à ses ministres et aux responsables des finances publiques à Islamabad. "Nous devrions imposer ceux qui ne le sont pas".
Seules 5,2 millions de personnes ont rempli une déclaration d'impôt sur le revenu en 2022, dans ce pays où le travail informel est majoritaire.
Le nouveau programme, qui doit être encore validé par le conseil d'administration du Fonds, doit permettre au Pakistan de "conforter les efforts de stabilité économique et créer les conditions d'une croissance solide, inclusive et persistante", selon un communiqué du FMI.
Il "vise à renforcer la stabilité macroéconomique obtenue de haute lutte durant l'année écoulée et poursuivre les efforts afin d'améliorer les finances publiques, réduire l'inflation et reconstruire des amortisseurs externes", a détaillé le chef de la mission du FMI dans le pays, Nathan Porter, cité dans le communiqué.
Confrontée à une mauvaise gestion chronique, l'économie pakistanaise s'est retrouvée au bord du gouffre, mise en difficulté par la pandémie de Covid-19, les effets de la guerre en Ukraine et des difficultés d'approvisionnement qui ont nourri l'inflation, ainsi que des inondations record qui ont touché un tiers du pays en 2022.
Face à une baisse de ses réserves de devises étrangères, le Pakistan s'était retrouvé en situation de crise de la dette et a été forcé de se tourner vers le FMI, obtenant in extremis à l'été 2023 un premier prêt, au prix de l'abandon de subventions à l'énergie et de mesures d'austérité.
Fin juin, le gouvernement a voté un paquet combinant nouvelles mesures d'austérité et forte hausse des impôts, espérant générer 40% de recettes supplémentaires par rapport à l'année dernière.
Selon l'accord conclu avec le FMI, "les recettes fiscales seront soutenues par une imposition directe et indirecte plus simple et plus équitable, notamment en intégrant correctement les revenus nets des secteurs du commerce de détail, de l'export et de l'agriculture dans le système fiscal", a indiqué M. Porter.
- "Schémas déjà vus" -
Mais le FMI souligne que de nombreux efforts restent à fournir pour le Pakistan, appelant notamment à une meilleure répartition de l'effort budgétaire entre le gouvernement fédéral et les provinces, améliorer l'accès aux financements, poursuivre la lutte contre l'inflation ou encore la viabilité du secteur de l'énergie.
Ces derniers mois, la balance des paiements courants s'est légèrement rétablie, l'inflation commence tout juste à baisser, mais la dette extérieure du Pakistan reste très élevée (242 milliards de dollars) -- et son service engloutira encore la moitié des revenus de l'Etat en 2024, selon le FMI.
Le Fonds anticipe par ailleurs 2% de croissance pour cette année, avec une inflation qui devrait tout de même encore atteindre près de 25% sur un an, avant de redescendre progressivement en 2025 et 2026.
Des analystes ont qualifié de superficielles les réformes engagées par Islamabad, estimant que leur objectif était de faire bonne figure devant le FMI plutôt que de s'attaquer au fond des problèmes.
"Il est difficile de ne pas retrouver des schémas déjà vus dans ce nouvel accord avec le FMI", a relevé pour l'AFP Ali Hasanain, professeur associé d'économie à l'université de sciences du management de Lahore.
"Le FMI a accordé un prêt similaire en termes de taille et de conditions à celui convenu il y a cinq ans, et encore cinq ans auparavant".
"Les autorités vont-elles saisir l'occasion ainsi créée de s'engager dans des réformes fondamentales pour la gestion du pays ?", s'est interrogé le professeur.
Alors qu'environ 40% de la population (de plus de 240 millions d'habitants) vit déjà sous le seuil de pauvreté, la Banque mondiale disait redouter en avril que dix millions de Pakistanais supplémentaires basculent sous ce seuil.