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Les temples de Bagan, joyaux de l'architecture bouddhique, forment un îlot de sérénité au milieu de la guerre civile qui fait rage en Birmanie, mais, faute de touristes, l'économie locale menace de s'écrouler.
"Certains jours, on ne voit personne", constate un vendeur de souvenirs, sur une colline surplombant les ruines de l'ancienne ville sacrée, où les visiteurs venaient autrefois prendre une photo au coucher du soleil.
Niché sur une rive du fleuve Irrawaddy, sur plus de 50 km2 au milieu de la jungle, le site archéologique renferme des centaines de monastères, de stupas et de temples qui témoignent de la grandeur du premier empire birman, entre les XIe et XIIIe siècles.
Au cours des années 2010, Bagan est devenue une destination à la mode en Asie du Sud-Est auprès des voyageurs, qui appréciaient son cachet préservé, héritage de décennies d'isolement du pays sous domination de l'armée.
Mais la pandémie de coronavirus et le conflit qui a suivi le coup d'Etat de 2021 contre Aung San Suu Kyi, ont mis un coup d'arrêt à l'ouverture de la Birmanie, aujourd'hui plongée dans un chaos sans issue pacifique prochaine.
Environ un million de touristes étrangers -- principalement chinois et thaïlandais -- se sont rendus en Birmanie en 2023, selon un représentant du ministère des Hôtels et du Tourisme.
- Boutiques fermées -
Si le chiffre marque un forte hausse par rapport à 2022 (200.000 visiteurs), il demeure très inférieur à ses voisins thaïlandais (28 millions) et laotien (3,4 millions), et aux niveaux constatés avant le Covid (3,4 millions en 2017).
A Bagan, beaucoup d'hôtels et de restaurants ont fermé, et les guides et vendeurs sont au chômage, faute d'activité.
Durant un rare séjour sur place de trois jours en juillet, des journalistes de l'AFP n'ont croisé aucun touriste étranger.
Un restaurateur a expliqué qu'il n'a pu conserver que la moitié de ses employés, en raison des difficultés économiques.
"Au moins notre commerce est toujours là (...) Il n'y a presque aucun visiteur", se rassure-t-il.
Ces derniers mois, la junte, en quête de ressources financières, tente d'attirer une clientèle russe, Moscou étant l'un des rares soutiens de Naypyidaw, notamment en exemptant les touristes de visa, et en promettant d'accepter les cartes de paiement russes Mir.
Mais l'intensification du conflit civil et l'effondrement de l'économie locale sous le coup de sanctions internationales, marquée par la faiblesse de la monnaie locale (le kyat) face au dollar, continuent de constituer des barrières solides aux curieux souhaitant visiter la "terre aux mille pagodes".
Sur l'autre rive de l'Irrawaddy, la situation est bien plus inquiétante, décrivent des habitants. Toutes les personnes interrogées par l'AFP ont demandé à rester anonymes pour des raisons de sécurité.
- Réputation ternie -
Non loin des temples, des combats sporadiques ont éclaté entre la junte et des groupes armées d'opposants pro-démocratie. Des résidents de Bagan assurent entendre régulièrement le bruit de coups de feu provenant de l'autre côté du fleuve.
La réputation de la Birmanie a aussi pâti du succès d'un film chinois, intitulé "No More Bets", sur le trafic d'êtres humains forcés à travailler dans des centres d'arnaque pour le compte de mafieux.
Si le long-métrage se situe dans un pays d'Asie du Sud-Est qu'il prend le soin de ne pas nommer, des scènes évoquent la situation dans le Nord de la Birmanie, considérée comme une zone de non-droit, et dans le collimateur de Pékin du fait de la présence victimes chinoises.
Près d'une des pagodes de Bagan, une vendeuse de fleurs se console comme elle peut.
"On ne va pas bien, mais au moins on a des maisons où habiter, et de la nourriture sur notre table", lâche-t-elle.
"Je peux ressentir à quel point les autres personnes souffrent dans d'autres régions. (...) Le seul souhait que j'ai, c'est que le pays et nos emplois puissent s'améliorer. C'est le souhait que tout le monde veut voir se réaliser", assure-t-elle.