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La bipolarité est une pathologie psychiatrique sérieuse, bien différente des simples variations d’humeur que chacun peut traverser. Et pourtant, de nombreux patients s’ignorent encore.
Peu à peu, la parole se libère sur la bipolarité. Il y a quelques semaines, le journaliste français Nicolas Demorand avait levé le voile sur sa maladie, en sortant notamment un livre. "Comme des centaines de milliers de Français, je suis bipolaire. Bipolaire de type 2. J'alterne des phases d'euphorie et des périodes de dépression, mais je suis soigné", a-t-il expliqué en introduction de la matinale qu’il présente chaque jour.
La psychiatre Caroline Depuydt, invitée du RTL info 13h, félicite le courage du journaliste et confirme la description de la pathologie : "Il y a deux pôles. L'un est celui de la dépression profonde, où on est dans son lit, on ne sait pas sortir, on ne ressent pas de plaisir, on peut avoir des idées noires, on ressent une grande tristesse et une grande perte d'énergie", explique-t-elle.
L'autre pôle est appelé "la phase maniaque" : "Là, c'est un pôle d'euphorie. En fait, on a une intensité extrême de l'énergie et du sentiment qu'on est tout-puissant et qu'on peut tout faire. Ça donne des dépenses exagérées. (...) On rafle tout le magasin, donc on peut vraiment se mettre dans des situations extrêmement complexes au niveau financier, voire se ruiner. On peut avoir une familiarité, une désinhibition, une mégalomanie. On se prend pour le roi du monde qui va résoudre le problème de la faim dans le monde ou d'autres situations extrêmement complexes".
Ces phases peuvent durer, chacune, "plusieurs semaines, voire plusieurs mois" : "Certaines personnes ont des cycles plus rapides, donc il n'y a pas une bipolarité. On vit sa bipolarité de façon extrêmement différente".
Sommes-nous tous un peu bipolaires?
S'il est vrai que nous avons tous des hauts et des bas, des moments où on est plus déprimés ou plus euphoriques, il est erroné de croire que nous sommes tous un peu bipolaires. La psychiatre dénonce les publications sur les réseaux sociaux du type "5 signes que vous seriez bipolaire". "Il y a des moments où vous êtes très en forme, et puis des moments où vous êtes très triste, il y a des moments où vous débordez d'énergie, vous avez plein d'idées... C'est la vie, ça", nuance la psychiatre. "Dans la bipolarité, on est dans des extrêmes de haut et de bas qui sont vraiment pathologiques".
C'est difficile parfois de voir qu'il y a des moments où vous avez des phases hautes
Nicolas Demorand, assure aussi que "beaucoup de bipolaires s'ignorent". Est-ce le cas? "Oui, tout à fait", répond la psychiatre. "Il y a une dizaine d'années de retard des diagnostics. Parce qu'en fait, si vous commencez par une dépression et qui dure, c'est difficile parfois de voir qu'il y a des moments où vous avez des phases hautes. Ces phases maniaques, elles ne sont pas toujours aussi flamboyantes que ce qu'on peut imaginer", explique Caroline Depuydt. "C'est ce qu'on appelle des phases hypomaniaques, où on a plein d'énergie, où on est quand même un peu désinhibé, un peu plus familier... C'est plus haut que la normale, sans être totalement pathologique. Et ce sont ces fluctuations, qui ne sont évidemment pas aussi visibles que dans un livre, qui rendent le diagnostic compliqué. Et puis surtout, les médecins généralistes ne sont pas toujours formés à reconnaître ça. Il faut voir ça sur une histoire... C'est très important de demander l'historique de la personne".
Heureusement, des solutions existent. "D'abord, un suivi psychiatrique est important", rappelle la psychiatre. "Dans les traitements, il y a ce qu'on appelle des thymorégulateurs. (...) c'est des régulateurs de l'humeur, qui permettent justement de diminuer l'intensité et la gravité de ces phases", explique Caroline Depuydt. Le suivi psychiatrique est également essentiel, tout comme le rôle de l’entourage.
En effet, l''entourage a aussi son importance, car, entre les crises, il y a des périodes de stabilité. "Il faut les chérir", insiste la psychiatre. Reconnaître les signaux précoces - sommeil perturbé, débit de parole accru, changement d’habitudes - permet de prévenir la personne qui pourra agir en avançant le rendez-vous chez le psychologue et en adaptant le traitement plus vite.
La bipolarité ne condamne pas à l’inactivité. Nicolas Demorand, malgré la maladie, continue à animer chaque matin la matinale de France Inter. Un message d’espoir pour toutes celles et ceux qui, eux aussi, traversent ces tempêtes invisibles.