Partager:
Philippe de Gaulle, fils aîné du général et figure de la Seconde Guerre mondiale, décédé à l'âge de 102 ans, a consacré une grande partie de sa vie à perpétuer la mémoire de son père.
"Je sais tout, vieux garçon. Ta position n'a jamais été facile. Ce n'est pas rien d'être le fils du général de Gaulle", lui glisse un jour le héros de la Résistance à Colombey-les-Deux-Eglises (Haute-Marne). "Mais ton attitude a toujours été celle que j'attendais de toi", ajoute Charles de Gaulle.
Sa ressemblance avec le général était frappante. Grand, légèrement voûté, il avait de longs bras, de grandes oreilles. Le même profil, le même nez, l'ombre d'une moustache identique. Une voix saccadée et profonde.
Philippe de Gaulle a fait carrière dans l'ombre du "grand Charles", s'engageant dès 1940 dans les Forces navales françaises libres.
Son père, rétif à tout népotisme, ne l'a jamais aidé à obtenir un poste, un avantage quelconque. Bien au contraire: il n'était pas Compagnon de la Libération alors qu'il aurait pu y prétendre.
Un jour, alors que Charles de Gaulle rédige ses Mémoires de guerre, Philippe lui fait remarquer qu'il n'a même pas signalé que son fils avait aussi participé à la libération de la France.
"Ah oui, c'est vrai", répond le général qui ajoute sobrement sur le manuscrit : "Mon fils continue à se battre avec la 2e DB" (division Leclerc).
L'unique geste de "rébellion" de l'amiral Philippe de Gaulle a été de choisir comme arme la marine, farouchement anti-gaulliste.
Il y fut affublé du sobriquet de Sosthène, prénom d'un duc de La Rochefoucauld. Une façon de se moquer de ce "grand dadais" qui, aux yeux de ses collègues, ne pouvait être qu'un pistonné.
- Galons gagnés au feu -
Né le 28 décembre 1921 à Paris, il était l'aîné des trois enfants du couple de Gaulle.
Dans la famille, l'ambiance est austère: les enfants ne parlent que quand on leur donne la parole; Yvonne consent à des baisers uniquement le 31 décembre et le jour de l'anniversaire.
Quant au père, il est capable d'attentions mais emporté par l'Histoire. Autoritaire, pince-sans-rire. D'une extrême pudeur. Porteur de douleurs muettes. Plus dur avec son fils qu'avec ses filles Anne (trisomique) et Elisabeth.
Philippe est bachelier lorsque la guerre le surprend. C'est par les journaux qu'il apprend la présence de son père à Londres.
Élève ensuite de l'École navale des Forces françaises libres à Portsmouth, il gagne ses galons au feu, sillonnant la Manche sur des lances-torpilles.
Enseigne de vaisseau en 1942, il participe en juin 1944 au débarquement en Normandie dans les rangs de la 2e DB.
Il participe ensuite à la meurtrière campagne d'Alsace avant de guerroyer en Indochine, au Maroc et en Algérie. Entré dans l'Aéronavale en 1945, il effectue, comme pilote de chasse, les premiers appontages de nuit sur un porte-avions français.
Il devient commandant de la première frégate lance-missiles "Suffren" (1967) et de l'escadre de l'Atlantique (1976). Promu amiral, il est inspecteur général de la Marine en 1980, avant de prendre sa retraite militaire deux ans plus tard.
Il avait ensuite été sénateur de Paris entre 1986 et 2004 sous l'étiquette du RPR, puis de l'UMP.
Philippe de Gaulle, marié à Henriette de Montalembert de Cers, avec qui il eut quatre fils, a écrit plusieurs ouvrages sur son père.
Il a notamment supervisé la volumineuse publication des "Lettres, notes et carnets du général" (1980-1988).
En 2003 et 2004, il publiait "De Gaulle, mon père", un succès d'édition.
Il se comparait au "grand Charles" non sans humour: "Je lui étais semblable, dans le petit".